L’Evangile en Actes

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Photo DR : www.lavie.fr

Homélie pour la Cène du Seigneur

Ex 12,1-8.11-14 / Psaume 115 / 1Co 11,23-26 / Jean 13,1-15

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

J’aimerais vous ramener huit ans et quelques jours en arrière. C’était le 13 mars 2013. Ça ne vous dit rien ? Un homme en blanc dont nous découvrions le visage et le nouveau nom s’inclinait devant le monde entier, du haut d’un balcon de la place St Pierre à Rome. …Ça vous revient ?

Ce geste a marqué le monde entier, et vous, et moi.

Ce geste nous a marqués parce qu’il n’est pas fréquent dans notre occident. S’incliner devant l’autre, par respect, c’est un très beau geste que le monde japonais que connaît bien Rolf pratique tous les jours. Mais c’est un geste que notre monde occidental connaît peu.

Voilà un geste que nous n’avions pas systématiquement l’habitude de faire en rencontrant quelqu’un, que je sache. Du moins avant la pandémie qui nous occupe actuellement.

Parce que maintenant… maintenant qu’on peut difficilement se saluer d’un sourire, derrière nos masques, ce geste aurait tendance à revenir à la mode, même chez nous…

Ce très beau geste, nous le pratiquons régulièrement  l’église, dans nos célébrations. Au moment de la paix, par exemple. Maintenant qu’on ne peut plus se serrer la main, on le fait tout naturellement au moment de la paix. Mais aussi au moment de la consécration du pain et du vin. J’y reviendrai dans un instant.

La messe, vous savez, est remplie de gestes qui ont du sens. Mais parfois on les accomplit, comme ça, parce qu’on les a toujours fait, sans jamais – finalement – se poser la question de ce que signifie tel ou tel geste que nous accomplissons lors de la messe.

Par exemple, tout à l’heure, lorsque notre curé Rolf lèvera l’hostie, vous n’allez pas faire – s’il vous plaît – comme 99 % des gens (vous ne faites pas partie des 99% des gens !) vous n’allez pas vous incliner, vous n’allez pas incliner la tête au moment où Rolf élèvera l’hostie, non, surtout pas ! Ça n’a AUCUN sens de faire cela ! C’est juste après qu’il faut le faire, mais au moment où le prêtre élève l’hostie il faut REGARDER l’hostie ! C’est Jésus qui vient vers vous !

Quel sens ça aurait, lorsqu’on ouvre la porte et qu’on découvre quelqu’un, de se retourner ? On le regarde !

Quelqu’un qui arrive, on le regarde. C’est une politesse, c’est une façon de lui dire bonjour.

…Bien sûr qu’on le sait… mais à force de s’incliner de plus en plus vite et de plus en plus tôt, eh bien on a fini, souvent, par incliner la tête au moment-même où le prêtre montre l’hostie.

C’est comme les gens qui se serraient les mains avant même que le prêtre ait eu le temps de dire : « Donnez-vous la paix ! »… maintenant on ne peut plus, donc ça va mieux.

Mais on a parfois, encore, des personnes qui baissent la tête au moment où le prêtre monte l’hostie. C’est dommage, c’est précisément là qu’il faut regarder.

De même avec le calice ! Au moment où le prêtre élève le calice, c’est précisément là qu’il faut regarder ! Et ensuite, bien sûr, ensuite on s’incline devant notre roi. Ce geste prend alors du sens.

La prière, les sacrements sont remplis de gestes… C’est beau, la parole, bien sûr… mais le geste est important aussi.

Essayez de prier dans différentes positions, à genoux, ou debout, ou assis négligemment une jambe croisée sur l’autre, eh bien vous aurez beau dire trois fois le Notre Père, vous allez faire trois Notre Père complètement différents, selon que vous le priez à genoux ou assis ou debout.

Le corps a son importance, dans la prière. Et si nous avons un Dieu qui s’est incarné, qui a pris un corps, c’est précisément pour nous rappeler que notre corps a son importance dans notre lien à Dieu.

Et vous voyez, chers Amis, tous les textes que nous avons entendus ce soir nous parlent de ces gestes que nous refaisons parfois sans y penser.

La première lecture, d’abord, le livre de l’Exode. Ce texte qui nous rappelait le repas pascal des Juifs, et qui nous rappelait que ce repas, vous l’avez entendu, était pris en état d’alerte, debout, bâton à la main, pour signifier l’urgence de partir, d’échapper à Pharaon.

Essayez-voir de manger debout avec un bâton à la main… Eh bien déjà vous n’allez pas pouvoir tenir l’assiette et la fourchette en même temps, hein, ça ne va pas être possible parce qu’il ne vous reste qu’une seule main… et vous allez voir qu’on prend un repas complètement différent que si on le prend bien assis à table.

En refaisant ce geste, chaque année au moment de la Pâque – et Jésus le faisait lui aussi puisqu’il était de religion juive – les Juifs se rappellent de leur Exode, du danger qui rôdait, cette nuit-là, de l’urgence de fuir Pharaon.

Et c’est pour se rappeler de cela nous aussi que nous recevons l’Eucharistie DEBOUT. Et certainement pas à genoux contrairement à la déviance qu’on a observée pendant des siècles. On communie debout, précisément, pour se rappeler de ce repas de Pâques que l’on a consommé debout.

Et ce n’est pas qu’une vieille histoire, chers Amis : dans plusieurs pays du monde, ce soir même, à l’heure où je vous parle, il y a des gens qui prennent leur repas en état d’alerte. Et ce n’est pas pour refaire la Pâque du Christ, c’est parce qu’il pourrait y avoir une bombe qui leur tombe sur la figure… Ce n’est pas qu’une vieille histoire ! C’est aussi en respect pour eux, pour tous ceux qui, ce soir, prennent leur repas en état d’alerte, que nous communions à chaque messe debout.

Souvenons-nous-en tout à l’heure, non seulement pendant le repas mais aussi lorsque nous mettrons ces jours notre petite pièce à la quête qui est précisément pour les personnes persécutées.

Nous les Chrétiens, nous avons notre histoire, nous avons des ancêtres, le peuple Juif. Et la première lecture nous enracinait dans les gestes de nos ancêtres.

Le psaume, ensuite, nous appelait à dire merci pour la libération de ce peuple. Parce que sans cette libération, nous ne serions pas là ce soir.

« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » disait le texte du psaume. Et la réponse est aussi un geste, vous l’avez entendu : « J’élèverai la coupe du salut, je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce. » disait le psaume…

Ça ne vous rappelle rien ? La coupe du salut que j’élèverai, mais c’est celle de l’eucharistie que notre curé Rolf élèvera tout à l’heure. Le mot « eucharistie » qui, en grec, vous le savez, signifie précisément « action de grâce ». Autrement dit merci.

Nous les Chrétiens, nous avons une façon de dire merci à notre Dieu, de lui rendre grâce, en fractionnant du pain, et en élevant une coupe.

Alors vous me direz que dans le psaume il n’y avait que la coupe. Et vous aurez raison !

Pour entendre parler du pain, il fallait aller un peu plus loin dans la deuxième lecture, dans ce très bel extrait de la lettre de Paul aux Corinthiens.

Cette fois c’est le geste de Jésus que nous rappelait Paul, avec ces mots que nous entendons à chaque messe : « La nuit même où il fut livré, le Seigneur prit du pain, puis, ayant rendu grâce – eucharistie… – il le rompit… » etc., etc., on connaît la suite.

Et Paul conclut en donnant tout son sens actuel à ce geste : « Ainsi, donc, chaque fois que vous mangez ce pain vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. » Ce n’est pas un geste poussiéreux d’il y a deux mille ans, c’est un geste que nous faisons pour que le Seigneur revienne.

Nous avons donc, nous les Chrétiens, des gestes pour nous souvenir de nos ancêtres, tournés vers le passé comme la première lecture, et puis des gestes tournés vers l’avenir pour attendre notre Seigneur, pour le faire revenir, comme dans la deuxième lecture.

Alors le présent me direz-vous, il est où là-dedans ?

Eh bien il est dans l’Evangile. Le geste du présent c’est l’Evangile qui nous invitait à le faire.

Jésus qui, se faisant serviteur lors même que ses disciples le tiennent pour maître, prend un linge, de l’eau, s’incline devant eux – s’incline devant eux, tiens tiens – et leur lave les pieds.

Et Jésus reprend sa place à table et dit : « EST-CE QUE VOUS COMPRENEZ CE QUE JE VIENS DE FAIRE? Vous m’appelez Maître, vous m’appelez Seigneur, mais je ne suis qu’un serviteur… Et si j’ai fait ce geste c’est pour vous apprendre à vous le faire les uns aux autres. »

…ne le faites pas maintenant, hein… Ce n’est pas corona-compatible hélas, le lavement des pieds. Raison pour laquelle on l’a symbolisé ici, simplement ce soir par cette cruche et ce linge, et nous ne pourrons pas le vivre autrement que en pensée, ce soir. C’est pas grave, c’est beau, le symbole, aussi.

« Si j’ai fait cela, dit Jésus, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns, les autres… » Alors c’est quoi, symboliquement, se laver les pieds les uns aux autres ? Eh bien c’est « s’incliner devant la terre sacrée que représente l’autre », comme le dit magnifiquement le pape François.

Et tout ça me rappelle ce même pape François qui s’est incliné sur le balcon de St Pierre il y a huit ans.

Il s’est abaissé devant nous. Un peu comme s’il nous disait : « EST-CE QUE VOUS COMPRENEZ CE QUE JE SUIS EN TRAIN DE FAIRE ? Vous m’appelez Saint Père, et vous avez raison. Mais je suis aussi le premier des serviteurs – le « serviteur des serviteurs du Christ », c’est un des titres du pape. Et c’est vous que je sers… » C’est un geste d’humilité.

Notre Pape a compris que l’Evangile n’a de valeur que s’il est vécu, que s’il se traduit en gestes. Et Dieu sait que des gestes, depuis huit ans, François en a posé un certain nombre !

« Si nous ne vivons pas l’Evangile, disait François aux Cardinaux le lendemain de son élection, si nous ne vivons pas l’Evangile en gestes, en actes, alors nous sommes une pieuse ONG ! »

Terrible expression ! – L’Eglise n’est qu’une pieuse ONG si elle ne vit pas en actes l’Evangile, disait François.

Si nous ressortons de cette messe tout à l’heure, chers Amis, sans vivre en actes ce que nous y avons appris… nous sommes une pieuse ONG. Une vulgaire association avec des PVs, un trésorier, un président, un secrétaire et puis une assemblée générale. C’est tout.

Le jeudi saint, chers Amis, c’est la fête de l’Eglise, pas d’une pieuse ONG. Et l’Eglise c’est nous tous, c’est pas seulement Rolf et moi. C’est nous tous qui avons à vivre l’Evangile en actes.

Et puis le jeudi saint c’est aussi la fête des prêtres, parce que c’est l’institution de l’Eucharistie et que nous relisons ces textes avec vous, et que nous essayons d’en vivre nous aussi. Ces textes qui font de Rolf et de moi des serviteurs, pas autre chose ! Parce que nous sommes les serviteurs du Christ et les serviteurs des communautés vers lesquelles il nous envoie.

Alors MERCI à tous ceux qui parmi vous, ont traduit cela en actes aujourd’hui, en nous souhaitant bonne fête, en nous envoyant un petit message, un petit SMS…

MERCI à ceux qui ont prié pour nous, puisque ce matin nous renouvelions nos vœux comme chaque jeudi saint.

MERCI à ceux qui nous ont rappelé ces derniers temps que nous comptons pour vous. Vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est précieux d’entendre ça.

Mais le jeudi saint c’est pas seulement la fête des prêtres. C’est la fête de tous les baptisés, parce que ce jour institue le lavement des pieds, pas seulement l’Eucharistie, la charité totale que nous nous devons les uns aux autres.

Les gestes de l’Eucharistie sont faits par les prêtres, c’est vrai, pour vous. Mais le geste du lavement des pieds, la charité envers chacun… ce geste doit être fait par tous les baptisés pour chacun de leurs frères, chacune de leurs sœurs.

Ce sont toutes les denrées non périssables que nous vous avons proposé d’apporter, depuis quelques semaines, pour que nous puissions les distribuer à qui en a besoin, voilà un lavement des pieds symbolique en actes.

C’est par ces gestes d’amour que nous nous mettons à la suite du Christ.

Alors, seulement, nous sommes autre chose qu’une pieuse ONG. Alors seulement, nous méritons pleinement ce beau nom de Chrétiens.

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Aigle, jeudi 1er avril 2021, 19.00

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3 Responses

  1. maman

    Alors seulement nous mériterons le nom de chrétiens!!!!!alors en route.

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