Le grand arbre de l’oecuménisme

Imprimer
Photo libre de droits : rochester.edu

 

Homélie pour le Dimanche de l’Unité, année 2020

Actes 27,18 – 28,10  /  Psaume 107 / Marc 16, 14-20

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Eh bien, Chers Amis,

Lorsque Sylvain m’a proposé de faire la prédication d’aujourd’hui, et que j’ai re-médité le thème qui nous est proposé par les Chrétiens de Malte, le thème de la semaine de prière pour l’unité cette année :

> Ils nous ont témoigné une humanité peu ordinaire… <

…j’ai tout de suite pensé à ce que nous vivons actuellement nous, les paroissiens catholiques de Bex, au temple chaque semaine.

Et si vous regardez les textes d’aujourd’hui, eh bien il s’agit d’abord – dans le livre des Actes – d’être accueillis.

Paul et ses compagnons ont fait naufrage – alors ce n’est pas tout à fait ce qui est arrivé à la paroisse catholique de Bex, certes : nous n’avons pas fait naufrage ! Mais si vous rentrez dans l’église catholique à Bex actuellement, vous aurez l’impression qu’il y a eu un naufrage ! C’est la pagaille dans tous les sens…

Et il s’agit dans notre première lecture d’être accueilli… je vais y revenir.

Ensuite nous avons entendu le psaume, et le psaume avait un refrain – outre celui que nous avons chanté – un refrain qui revenait sans cesse. Un refrain qui nous disait : « Qu’ils célèbrent ! »… « Qu’ils célèbrent le Seigneur pour sa fidélité ! » Un refrain qui nous a été redit par Philippe plusieurs fois.

Qu’ils célèbrent…

Il s’agit donc d’être d’abord accueilli puis de célébrer le Seigneur.

Et tout ça pour quoi ? Pour – troisième mouvement de nos lectures d’aujourd’hui dans l’évangile de Marc – pour repartir et aller par le monde entier proclamer la bonne nouvelle à toutes les nations.

C’est l’histoire de toute notre vie. Il s’agit d’abord d’être accueillis. Or chacun de nous, nous avons d’abord été accueillis, dans une famille, dans le ventre de notre Maman. Nous avons été accueillis au début de notre vie.

Nous avons célébré les années qui passent.

Et j’espère que, pour ceux qui sont jeunes depuis plus longtemps que les autres parmi nous, vous continuez de les célébrer, les années qui passent !

Nous avons célébré aussi régulièrement notre foi, nous avons célébré le Seigneur, cela rythme toute notre vie.

Et tout cela pour être ensuite envoyés, envoyés dans le monde proclamer Sa bonne nouvelle.

Eh bien je dois dire qu’effectivement, à chaque fois qu’il m’est donné de célébrer le samedi soir dans le temple de Bex, je rends grâce – et je le dis d’ailleurs dans ma prière – je rends grâce pour la communauté qui nous accueille, qui nous témoigne, Sylvain, une humanité que j’espère ordinaire mais qui, de fait, n’est pas si ordinaire que cela.

Elle devrait l’être ! Mais elle n’est pas si ordinaire que cela.

L’accueil, l’hospitalité, voilà ce dont nous devons témoigner les uns envers les autres. Être accueilli, c’est certainement un des devoirs que nous portons dans nos cœurs, nous les Chrétiens : accueillir notre prochain comme s’il s’agissait de Dieu lui-même. Voir en chaque personne que nous accueillons le visage du Christ.

Être accueilli, c’est aussi être accueilli dans une terre, dans un lieu. Et les lieux sont chargés ! Nous sommes aujourd’hui accueillis dans cette belle abbaye de la Salaz, c’est un lieu qui fut un lieu de prière, qui est chargé d’un certain nombre de voix qui ont proclamé, chanté, prié à travers ces murs.

Nous sommes accueillis, dès notre naissance, dans une famille mais aussi dans une terre. Et dans cette terre nous avons des racines, nous le savons bien, sans quoi nous ne pourrions pas vivre.

Comme les arbres… les arbres ont besoin des racines pour pouvoir s’élever vers le ciel. Les arbres, eux aussi, sont accueillis… c’est une petite graine qui est portée par le vent, qui tombe en terre et qui va donner, parce qu’elle est accueillie par la terre, un bel arbre.

Alors gardons cette image de l’arbre parce que je crois qu’elle est très parlante pour l’unité des Chrétiens.

L’image de l’arbre m’a toujours beaucoup parlé. Vous y repenserez tout à l’heure quand vous ressortirez… il y a de très beaux arbres – outre celui qui est multiséculaire, qui est ici en-haut dans la forêt – il y a de très, très beaux arbres qui nous entourent.

Et un arbre, moi, ça me parle à chaque fois de l’unité des Chrétiens.

Je m’explique : si vous regardez un arbre, il a un beau tronc en général, un beau tronc unique.

Et ça ce sont les mille premières années de notre vie commune entre Chrétiens. Nous avons un tronc commun de mille années, ce n’est pas rien ! Mille années… et un tronc commun qui s’appelle la Parole de Dieu. Un tronc commun sur lequel nous sommes solidement appuyés.

Et que nous soyons réformés, évangéliques, orthodoxes, anglicans, catholiques, nous nous appuyons sur ce tronc, sur la Parole de Dieu. A chaque fois que nous célébrons, nous puisons à nouveau de la sève à ce tronc-là.

Mais ce tronc, je l’ai dit, n’aurait aucun sens sans ses racines.

Nous avons des racines, et comme les arbres elles partent dans tous les sens. Bien sûr, nous avons des racines juives, nous pouvons le lire dans l’Ancien Testament. Mais les textes de l’Ancien Testament, nous le savons très bien, se basent aussi sur d’autres racines, grecques, perses, de sagesses plus antiques encore…

Nous avons donc un tronc et des racines.

Mais ensuite, nous connaissons bien l’histoire : le tronc s’est séparé autour de l’an mille, pour former une deuxième branche qu’on appelle orthodoxe.

Et puis, autour du seizième siècle, on a commencé à former d’autres branches, grâce aux Calvinistes puis aux Luthériens, aux Zwingliens ici en Suisse… et ensuite toutes les branches ont continué à se développer dans tous les sens possibles.

Regardez un pommier, vous verrez que les branches vont dans tous les sens, il n’y a pas qu’au nord ou qu’au sud qu’il y a des branches ! Elles vont dans toutes les directions !

Mais ce qui est extraordinaire c’est que toutes ces branches différentes – vous n’en verrez pas deux semblables – toutes ces branches différentes font le même fruit !

Toutes les branches d’un pommier font des pommes. Et – c’est encore plus fort – font les mêmes pommes ! Vous n’allez pas avoir des Golden au nord et des Granny Smith au sud, ce n’est pas possible ! Sur un même pommier, vous avez les mêmes pommes, les mêmes fruits.

Eh bien le fruit de toutes les branches du christianisme, le même fruit que les réformés, les évangéliques, les anglicans, les orthodoxes, les catholiques, ce même fruit que nous portons, c’est le fruit de l’Esprit.

Il arrive qu’une branche tombe, parce qu’elle meurt. C’est arrivé à plusieurs de nos communautés de par l’histoire.

Il arrive aussi qu’il faille tailler des branches pour qu’elles continuent de donner du fruit, il arrive qu’il faille élaguer un peu…

Mais, si je garde cette image de l’arbre, si vous voulez à coup sûr le faire mourir, vous prenez une corde très solide et vous essayez d’enserrer toutes les branches pour qu’elles reforment à nouveau un même tronc… vous serrez très fort, très fort, pour essayer de rassembler tout ça et faire un même tronc…

Eh bien l’arbre va crever, ça c’est certain.

Et c’est un peu ce qu’on a voulu faire parfois, dans l’œcuménisme… essayer de gommer toutes nos différences pour se rassembler, essayer de tirer le plus possible… Mais ça, ça ne fait pas vivre l’arbre, ça le fait mourir, à coup sûr.

Ce qui le fait vivre, c’est que chaque branche puisse se développer dans sa direction pour porter du fruit, en puisant à la même sève !

C’est ce que nous sommes venus faire aujourd’hui : puiser à la sève commune, notre tronc commun, la Parole de Dieu.

Nous avons été accueillis dans une terre. Nous avons grandi en célébrant le Seigneur, en puisant à la sève de notre tronc commun. Nous avons, je l’espère, porté du fruit, et nous continuons d’en porter parce qu’une branche qui a déjà donné une pomme va continuer d’en donner, année après année, nous le savons bien.

Et puis un jour, un jour, nous serons envoyés. Une petite graine se détachera, elle partira au grand vent de l’Esprit, et elle ira ailleurs dans une autre terre faire naître un autre pommier…

Ce jour-là, laissons-nous porter par le vent de l’Esprit… Il arrive que, dans nos vies, nous changions de lieu – ça nous arrive plus souvent à nous, les ministres, qu’à vous ! – mais il arrive que dans nos vies nous soyons déracinés, que nous changions d’endroit…

Le vent nous porte… et ce que le Seigneur nous demande alors c’est de nous laisser mettre en terre pour reporter à nouveau du fruit là où il nous a planté.

Vous y penserez tout à l’heure en regardant les arbres. Vous penserez à ce que sont nos communautés, à ce qu’elles vivent…

Essayons tous ensemble, en y pensant, de continuer à porter du fruit, de continuer à donner ce que la sève nous procure pour les gens qui viennent cueillir ces fruits.

Qui sait ? Eux aussi, certainement, les porteront plus loin, comme Paul est reparti de Malte après avoir si bien accueilli, pour proclamer lui aussi à toutes les nations la Bonne Nouvelle de Son Seigneur.

Amen !

___________________________________________

La Salaz (Ollon), dimanche 19 janvier 2020, 10.00 (version enregistrée)

…et dans une version raccourcie :

Euseigne / VS, dimanche 19 janvier 2020, 18.30

Imprimer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.