Le silence de la Paix

Homélie pour le 19e Dimanche TO, A

1Rois 19,9a.11-13a / Psaume 84(85) / Romains 9,1-5 / Matthieu 14, 22-33

NDLA : En 2020, l’abbé Vincent n’a pas prêché ce week-end-ci en raison d’un temps de retraite. Voici une homélie de ce même dimanche datant de quelques années auparavant.

Chers Amis,

Dimanche dernier, un paroissien m’apostrophe à la sortie de la messe :

– Pourquoi Dieu envoie-t-il le mal sur la terre ? Regardez le tsunami, par exemple ! Pourquoi Dieu a-t-il envoyé cela ? Et pourquoi la guerre au Moyen-Orient ? Hein ?

Je ne pouvais pas laisser passer une telle énormité. J’ai tenté, longuement, de lui expliquer Dieu tel qu’aujourd’hui, enfin, on le comprend. Comme un Dieu d’Amour.

J’aurais sûrement dû lui lire la première lecture d’aujourd’hui, ce magnifique passage du livre des Rois. Elie est à la montagne, et Dieu lui annonce qu’il va passer devant lui. Survient alors, vous l’avez entendu, un ouragan qui brise les rochers. Puis le tremblement de terre, puis le feu.

Et les gens qui raisonnent comme mon brave paroissien auraient certainement cru reconnaître Dieu dans tout cela. Pourtant, le texte biblique nous le dit bien, Dieu n’est ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu.

Il vient juste après, dans la voix du fin silence. C’est d’ailleurs une expression très difficile à rendre en français. Dans certaines de vos Bibles vous aurez le « murmure d’une brise légère », comme la version liturgique que vous avez entendue ce soir / ce matin, dans d’autres on parle de « souffle ténu ». En hébreu, cela se dit QoL DeMaMah DaQaH. Et il y a bien l’idée d’une VOIX. Littéralement ce serait « une voix de fin silence ». J’y reviendrai.

Elie reconnaît aussitôt le Seigneur, eh oui, Elie a compris beaucoup de choses, il sait que Dieu n’est pas dans une catastrophe naturelle. Encore moins dans le vacarme des missiles et des roquettes, qu’elles viennent d’un camp ou d’un autre.

Dieu n’est pas non plus dans l’ignoble persécution des minorités, qu’elles soient chrétiennes ou plus anciennes encore. Dieu n’est jamais du côté de ceux qui se servent de son nom pour faire la guerre.

Dieu n’est pas dans le vacarme des armes.

Il n’y a pas un camp de Dieu. Il n’y a pas de soldats qui, tuant leurs frères en humanité, peuvent se targuer d’avoir Dieu avec eux, non, non et non. Dieu n’est pas dans la guerre. Jamais.

J’ECOUTE, disait le psaume, que dira le Seigneur Dieu ?

Ça veut bien dire qu’il faut commencer par ECOUTER. Ecouter son frère, écouter la voix du fin silence, plutôt que celle de l’ouragan.

J’écoute, que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, poursuit le psalmiste, ce qu’il dit c’est la PAIX. Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent.

Mais enfin c’est quand même pas compliqué à lire, ça ! D’où vient que nous n’avons toujours pas compris que c’est en faisant la paix qu’on est disciple de Dieu, et jamais en faisant la guerre, quelle qu’en soit la raison ??

Paul le dit, dans la deuxième lecture : combien il est triste que ses frères de race, les Juifs, n’aient pas encore compris Dieu.

Ce n’est pas en ayant peur de l’autre qu’on fait la paix, ce n’est pas en réduisant l’autre à ses extrêmes qu’on est disciple de Dieu.

Ceux qui se battent au nom de Dieu et ceux qui réduisent l’autre à la peur qu’ils en ont, n’ont toujours pas compris Dieu.

Appeler à la peur de l’autre ou se battre au nom de Dieu, c’est un blasphème, un parjure, c’est la pire des hérésies que de tuer son frère au nom de Dieu, qu’on l’appelle Allah, Jéhovah, Bouddha ou Jésus. C’est le paganisme à l’état pur, c’est le degré zéro de l’humanité.

Dieu n’est pas dans la guerre, ni dans la vengeance, il n’est pas dans des actions éclatantes. De même qu’il n’est pas dans de redoutables catastrophes naturelles. Ça c’était la vision qu’on en avait du temps de nos obscurantismes, et qu’on a parfois encore dans le fond de nos cœurs quand on y écoute la seule peur parler.

Dieu est dans le petit geste de paix accompli tous les jours. Dans ceux qui mettent en lumière ce geste-là plutôt que le geste guerrier.

C’est tellement plus facile de montrer l’horreur avancer avec ses bottes de sept lieues plutôt que les petits pas de la paix, qui font moins de bruit, bien sûr.

Dieu – et c’est valable jusqu’au cœur de nos conflits de famille – Dieu est cent fois plus dans la main tendue qui oublie le passé, plutôt que dans la rancune, la colère, la vengeance.

Dieu n’est pas dans ces tremblements de terre modernes qu’on appelle bombardements, il n’est pas dans l’ouragan des avions et des missiles, il n’est pas dans le feu guerrier. Non…

Dieu parle doucement dans le silence. Il arrive en marchant silencieusement sur les eaux de nos conflits, et nous dans la barque de notre humanité, nous avons peur d’un fantôme. Nous avons peur du Christ, présent dans le visage de tous nos frères, qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens.

Quand le bruit des armes aura cédé sa place au doux murmure de la prière, alors comme Elie sur la montagne, l’humanité aura compris la présence de Dieu.

Quand les médias nous montreront, en première page, les photos de ceux qui font la paix plutôt que de ceux qui font la guerre, alors en les regardant, nous pourrons dire, comme les disciples dans la barque : « Vraiment, voici les fils de Dieu. »

D’ici là, dans la voix du fin silence qui va suivre, prions pour la paix, car comme le dit un proverbe arabe : « C’est l’arbre du silence qui porte les fruits de la paix. »

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Chermignon d’en Haut, samedi 9 août 2014, 18.30

Corin, dimanche 10 août 2014, 9.00