Le train de St Joseph

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Photo DR : www.laprocure.com
 
 

Homélie pour la solennité de SAINT JOSEPH

2 Samuel 7,4-16 / Psaume 88 / Romains 4,13-22 / Matthieu 1,16-24a

 

Chers Amis,

J’étais dans le train l’autre jour, comme cela m’arrive régulièrement lorsque je me déplace en Suisse Romande. Dans le wagon, en face de moi, un père et son petit garçon d’environ 5-6 ans.

Pendant les 15 premières minutes du voyage, l’enfant a réussi à

– Grimper sur les sièges

– Puis par-dessus les sièges pour aller vers la dame assise un peu plus loin

– Déchirer la brochure des CFF suspendue au-dessus des sièges

– Faire tomber mon thermos et renverser mon thé

– Venir lire par-dessus mon épaule ce que j’étais en train de regarder

– S’intéresser à l’ouverture de mon sac de voyage,

– L’ouvrir

– Fouiller gentiment mes affaires

– Ramasser un papier par terre et me l’offrir

– Oh puis non, il préfère le jeter dans ma tasse de thé que j’avais re-remplie depuis

– Enlever ses chaussures. Puis une chaussette.

– Lancer l’une de ses chaussures un peu plus loin (sur une passagère).

– Sans compter les aller-retour en courant dans tout le wagon, les hurlements lorsqu’il s’est pris un siège au passage, les interjections envers les différents passagers.

J’avoue que ce qui m’a le plus surpris, ce n’est pas le comportement de l’enfant. C’est celui du père. Qui n’a pas bronché. Pas un mot. Rien. Ni à mon endroit, ni envers les autres passagers. Ni surtout envers son fils. Rien, silence. Il lisait son journal comme si de rien n’était.

Il s’est levé à un moment donné pour aller rechercher la chaussure que l’enfant avait lancé et la lui rapporter. Sans un mot.

Il a dû croiser mes yeux un peu noirs, et soudain il me dit :

Oui je sais bien, il est un peu agité. Mais vous savez, il est gentil. Et puis les enfants, il faut pas les brusquer.

Et il a repris la lecture de son journal

Franchement, chers Amis… il y a des baffes qui se perdent, des fois.

J’entends certains de mes amis bobos, babas ou soixante-huitards, cochez la mention exacte, me rétorquer tout de suite «  Ah, mais comment tu peux dire ça, la violence sur un enfant c’est horrible. Il ne faut pas les brusquer. Moi jamais j’ai reçu une baffe… »

Ah mais rassurez-vous ! C’est pas l’enfant que j’aurai giflé. C’est le père, en l’occurrence !! Si j’avais pas été dans un jour particulièrement zen – et si je ne descendais pas à la gare suivante – ça aurait été sa fête, au père !

Or, la St Joseph, c’est un peu la fête des pères et de leurs enfants.

Toutes les lectures d’aujourd’hui, vous l’avez entendu, nous parlent de pères et de leurs descendances.

David, d’abord, évoqué dans le livre de Samuel. Abraham, dans la deuxième lecture, que Paul prend en exemple dans sa lettre aux Romains. Joseph, enfin, dans l’Evangile.

Et il est intéressant de noter ce qu’apporte cette descendance, à chacun de ces pères.

Le prophète Nathan disait à David que sa descendance rendrait stable sa royauté. C’est le fils qui rendra stable le père. Et Dieu poursuit en disant que c’est alors, et alors seulement, que le fils sera pour lui, pour Dieu, un vrai fils.

Quand le fils devient stable et rend stable son père, alors il devient un fils même pour Dieu.

Je vous raconte pas la stabilité de l’enfant dans le train de l’autre jour…

La deuxième lecture va un peu dans le même sens, mais avec d’autres mots. Paul rappelle que Dieu a fait une promesse à Abraham : la promesse de rendre sa descendance nombreuse, immense. Et la promesse que cette descendance recevrait le monde en héritage.

Eh oui… nous sommes toutes et tous les fils et les filles d’Abraham, chers Amis. Juifs, Musulmans, Chrétiens, nous sommes les descendants de ce patriarche commun. Nous avons reçu le monde en héritage.

Ce qui nous donne des devoirs, évidemment!

Et Paul continue : « ils recevront le monde en héritage non pas en accomplissant la loi mais en devenant des justes par la foi. C’est donc par la foi qu’on devient héritier. »

C’est par la foi qu’on devient héritier… C’est peut-être pour ça que les Saviésans ont une foi particulièrement traditionnelle… Non, je blague…

(NDLA : pour les non-valaisans, je précise que Savièse est un charmant village et que « Héritier » est un des noms de famille les plus répandus dans ce village…)
 

Mais sérieusement : c’est par la foi qu’on devient fils, c’est en espérant contre toute espérance, c’est en devenant soi-même stable.

Etre père, c’est donc préparer ses enfants à cela : leur transmettre la Foi, leur transmettre l’Espérance, leur transmettre la Charité, c’est à dire aussi savoir les réprimander quand il le faut.

Qui aime bien châtie bien. Un père juste c’est aussi celui qui sait élever la voix quand il le faut.

Et que dit-on de Joseph ? Qu’il était un homme juste. Or il a fallu l’intervention d’un ange pour qu’il ne répudie pas Marie.

Aujourd’hui, bien des parents sont dépassés par leurs enfants. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question d’éducation, car le monde dans lequel ces enfants évoluent les pervertit plus sûrement encore, en leur faisant croire qu’ils peuvent – et doivent – avoir tout, tout de suite.

Ce monde du désir immédiatement assouvi et de l’objet qu’on jette quand on ne le veut plus, ce monde fait du mal à nos enfants.

Parce qu’ils n’apprennent plus à attendre, ils n’apprennent plus l’envie – puisqu’ils ont tout ce qu’ils demandent – ils n’apprennent plus la frustration puisque quelques psycho-pédagogues à diplômes nous ont asséné qu’il ne fallait SURTOUT PAS les frustrer, les pauvres petits.

Je l’aurais bien vu, le psycho-pédago, à côté de moi dans ce train, l’autre jour. Il aurait pas tenu cinq minutes.

On a fabriqué une génération d’enfants-rois, chers Amis. Et si on ne réagit pas très vite, un jour ils nous le feront payer très cher.

La descendance dont parlent nos textes sacrés, ce ne sont pas de petits rois. Ce sont des Justes, des gens de Foi, d’Espérance, de Charité. Et, oui, redisons-le, la charité ce n’est pas fleur bleue, la charité ce n’est pas céder à tous les caprices de nos enfants, la charité ce n’est pas ne jamais se mettre en colère ou ne jamais élever la voix, non. C’est pas de la charité, ça, c’est de la faiblesse.

Alors vous me direz, c’est facile pour moi de vous dire cela, je n’ai pas d’enfants et n’en aurai jamais à éduquer. Exact. Et j’admire profondément les parents qui, pour moi, sont les héros d’aujourd’hui.

Mais « abbé » veut dire « père » en hébreu. Et si on appelle les prêtres « abbés » ou « père », ce n’est pas pour rien.

Nous n’avons pas d’enfants à nous, dans la maison. Mais Rémy, Laurent et moi, nous avons 15’000 paroissiens. Ça fait 5’000 enfants chacun. Que nous aimons profondément. Mais avec qui nous ne manquons pas d’être fermes, aussi, parfois. C’est cela être père. Et nous le sommes aussi, différemment de vous, mais avec le même but d’engendrer une descendance de Justes.

J’en discutais avec des ados récemment. Ils sont très critiques, nos ados, sur la génération 68 qui a tout permis et tout laissé faire.

Et c’est l’un de ces ados qui m’a passé ce texte de Jacques Salomé. C’est la prière d’un enfant à ses parents…

L’ado en question m’a dit qu’il aurait bien envoyé cette prière à son père… mais qu’il était en train de lire le journal…

 Prière de Jacques Salomé

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Ollon, mercredi 19 mars 2013, 9.00

Montana-Village, mercredi 19 mars 2013, 11.00

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