Les enfants d’IKEA

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Homélie pour la Commémoration des Fidèles Défunts

LECTURES A CHOIX AU LECTIONNAIRES DES DEFUNTS

Sagesse 2,1-4a.22-23.3,9  /  Psaume 26(27)  /  Romains 8,14-17 / Matthieu 11, 25-28

Sur une idée de départ de Mgr Norbert Brunner, ancien évêque de Sion

Chers Amis,

[se cachant le visage dans les mains, enfantin] Je suis caché ! Je ne suis plus là… Vous me voyez pas, hein ? …

…Comment ça, vous me voyez ? C’est pas possible je suis parti, je suis caché !

… [enlevant les mains] ça vous rappelle des enfants que vous connaissez ? Eh oui, les tout-petits, on le sait bien, ils raisonnent comme ça. Ce qui est caché n’existe plus. Vous savez, quand on leur montre un objet, puis on le cache en disant « il est parti ». Pour eux, jusqu’à un certain âge, l’objet n’existe plus. Ou bien quand ils commencent à se cacher le visage derrière leurs mains, comme moi à l’instant, ils pensent que, du coup, on ne les voit plus… Après ils évoluent, bien sûr.

Eh bien je vais vous en dire une bien bonne : on est nombreux à en être toujours à ce stade-là… Si, si… Concernant la mort.

On voit un corps mort, et on pleure parce qu’il est parti, il n’existe plus. Comme un petit bébé à qui vous avez caché son doudou. Il croit qu’il n’existe plus et il pleure. Eh ben on a beau être soi-disant évolués, on est pareil avec la mort.

Mais c’est complètement idiot de penser que c’est fini, que la personne n’existe plus ! C’est idiot – même si c’est très humain. On voit quelque chose de fini, un corps, alors on pense que TOUT est fini. Les gens voient un corps mort, parti, et ils pensent que TOUTE LA PERSONNE n’est plus là du coup. Mais… une personne ce n’est pas seulement un corps, jusqu’à nouvel avis. C’est un corps PLUS une âme.

Ce n’est pas parce que les yeux du petit enfant sont cachés qu’il est lui-même caché. Ce n’est pas parce qu’un corps est mort que l’âme n’existe plus. C’est pourtant LOGIQUE, non ?

Et c’est notre foi chrétienne, ça, chers Amis. Faudrait peut-être pas l’oublier. Du coup, la commémoration des défunts que nous célébrons aujourd’hui ce n’est pas du tout quelque chose de TRISTE. C’est au contraire l’occasion de se rappeler que, si l’on est adultes dans notre Foi, nous croyons qu’ils continuent de vivre, de l’autre côté de ce mystérieux passage qu’on appelle la mort.

C’est exactement ce que nous disait la première lecture, le superbe livre de la Sagesse : « Celui qui ne réfléchit pas s’est imaginé qu’ils étaient morts »…

…Celui qui ne réfléchit pas s’est imaginé qu’ils étaient morts… Mais ils sont vivants !

Et non seulement ils vivent, mais ils retrouvent aussi, nous le croyons, des facultés qui étaient peut-être infirmes ou malades ici-bas.

Quelle joie de penser qu’un aveugle décédé voit Dieu de ses propres yeux.

Quelle joie de penser qu’une femme en fauteuil roulant, une fois auprès de Dieu, se tient debout sur ses jambes ! D’autres passages de la Bible nous aident à croire cela.

Nous sommes des passagers, ici-bas. Des passagers dans un véhicule qu’on appelle le corps. Mais ce n’est pas notre lieu définitif de vie, quoi qu’on puisse en penser.

On est esclaves de ce corps, mais comme le disait Paul aux Romains dans notre deuxième lecture, l’esprit n’a pas fait de nous des esclaves mais des hommes libres, des fils de Dieu. Et il ne nous faut pas avoir peur, disait aussi Paul ! Voilà notre but ultime, c’est Dieu, pas ça [montrant son corps]. (et heureusement parce que franchement… Non, vous, Mademoiselle, je comprends encore que vous vous contentiez du vôtre, vous êtes charmante, mais moi… !!)

Et comme notre corps n’est pas notre but ultime, mais juste un truc provisoire, eh ben c’est pas solide, forcément. Le provisoire n’est pas appelé à durer.

Vous connaissez les meubles IKEA, Chers Amis ? Les meubles IKEA – pardon si vous en avez – c’est pas forcément ce qui va vous durer toute une vie. Même que des fois il y a une pièce en trop dont on ne sait pas quoi faire, ou pire il en manque une. C’est pratique, ces meubles, mais c’est pas du Louis XV non plus…

Notre corps, c’est notre meuble IKEA pour ici-bas, alors on s’adapte comme on peut mais ça vieillit, ça casse, ça tombe malade des fois, et des fois même dès le début il manque une pièce, ou alors il y a une pièce en trop qu’on ne sait pas où mettre, un chromosome comme on dit… on appelle ça un handicap. Parce qu’on n’est pas faits pour vivre éternellement là-dedans, chers Amis.

Nous sommes CITOYENS DES CIEUX, on nous le dit à plusieurs reprises dans la Bible. Ici, c’est du provisoire, simplement. Mais là-haut, c’est autre chose !

Ici, rien n’est simple. Il y a des fardeaux, même, parfois. Mais dans l’Evangile, Jésus nous disait qu’après le fardeau, il nous procurera le repos.

Notre but est bien plus loin, bien plus haut, bien plus beau, bien plus grand que ce que nous vivons ici. Nous sommes citoyens des cieux, c’est quand même pas rien !

Alors ça ne veut pas dire qu’il faut se suicider ! Ah ben non, ça reviendrait à bazarder les meubles IKEA alors qu’on n’a pas encore les moyens de vivre dans du Louis XV, vaut mieux pas hein !

Ici-bas, on a ce qu’on a. On goûte aux joies de ce monde aussi, pas seulement à ce qui est difficile dans nos vies. Patience ! Celui qui bazarde un meuble IKEA un peu vite n’a souvent pas les moyens de se racheter autre chose de mieux.

Tout est affaire de temps. La mort aussi.

Alors Chers Amis, ne nous cachons pas la beauté de tout cela comme les petits enfants se cache le visage dans leurs mains. Ne soyons pas tristes pour nos défunts.

Nos défunts vivent, brillent éternellement comme le cierge pascal qu’on rallume au moment de leur dire adieu.

Ils sont toujours avec nous. Ils nous regardent avec tendresse évoluer dans notre corps IKEA, et si vous écoutez bien dans le silence qui va suivre, vous les entendrez peut-être vous  murmurer quelque chose du style : « Patience… patience… un jour, toi aussi tu auras un beau fauteuil Louis XV. Mais patiente, et ne t’inquiète pas… je vais bien

Oui chers Amis, écoutez nos défunts, ceux qui vous manquent et dont vous vous êtes imaginés qu’ils étaient morts, écoutez-les vous dire : « Ne t’inquiète pas, je vais bien. Si tu savais comme c’est beau… Mais on n’emporte que l’Amour qu’on a donné. Alors profite de la vie, répands l’Amour autour de toi… Un jour tu comprendras tout… »

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Hérémence, dimanche 2 novembre, 9.00

Nyon, messe des jeunes « Dimanche 19h. », dimanche 2 novembre, 19.00

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2 Responses

  1. Monique

    Cher Monsieur
    J’ai besoin d’une explication supplémentaire. Vous comparez notre corps à un meuble Ikea, ok, je suis parfaitement d’accord avec cette image. Mais vous dites aussi que notre corps retrouvera toutes ses facultés dans la mort (la femme qui se tient sur ses jambes); ce que j’imagine être devenu le meuble Louis XV.
    Cela signifie que vous croyez en la résurrection des corps au sens propre du terme.
    Lorsque j’étais collégienne, il y a fort longtemps, mon professeur de philosophie, le père Ernest, un franciscain, nous a dit que nous ne serions plus qu’esprits et que dans l’infini amour, nous ne reconnaîtrions plus ni père ni mère.
    Ce que j’ai retrouvé plus tard, à l’université, dans la philosophie hégélienne.
    Alors qu’en est-il du fin fond de votre croyance?
    Bon dimanche
    Monique

    • Vincent Lafargue

      Eh bien chère Madame je me base quant à moi – pour le fin fond de ma croyance comme vous dites – non sur Hegel mais simplement sur la Bible. Le livre de Job est éclairant à ce sujet, chapitre 19 versets 23 et suivants – je cite de mémoire : « Moi même je verrai Dieu, de mes yeux de chair je le verrai, et avec mon corps je me tiendrai debout. »
      La foi chrétienne parle – de plus – du corps glorieux. Réalité mystérieuse sur laquelle quantité de choses ont été écrites.

      Bien à vous, et merci de votre question,

      Abbé Vincent

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