Les lunettes de David

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Photo DR : Les fameuses lunettes…
 

Homélie pour la Patronale SAINT PIERRE AUX LIENS

Actes 12,1-11 / Psaume 33(34) / 2 Timothée 4,6-8.17-18 / Matthieu 16,13-19

NB : Le président de Lens, David Bagnoud, tient un magasin d’optique réputé sur le plateau…

Chers Amis,

Permettez-moi, pour une fois, d’être intime et personnel dans cette prédication.

Car c’est toute mon histoire avec vous qui se trouve dans les textes de notre fête. La première lecture parle des conditions de mon arrivée chez vous il y a deux ans, la seconde évoque mon départ dans quelques jours, et l’Evangile évoque le temps que nous avons passé ensemble.

Vous ne me croyez pas ?

Bon, déjà, il faut que je vous dise qu’il y a quatre ans, lors de notre ordination à mon confrère Sylvain et moi-même, notre évêque Mgr Brunner avait comparé Sylvain à l’Apôtre Jean, doux, humble de cœur, priant, réfléchi… bref tout ce que je ne suis pas, en somme… et il m’avait comparé pour ma part à l’Apôtre Pierre, impulsif, fougueux, passionné, fonçant parfois tête baissée, hautement inflammable.

Depuis deux ans que vous me connaissez, je pense que vous avez eu l’occasion de remarquer non seulement ma fougue et ma passion mais, hélas aussi, mon côté hautement inflammable et mon foutu caractère. Notre évêque fut clairvoyant !

Voilà pour le personnage de Pierre dont je revendique volontiers la descendance, en tout cas pour ce qui est de tous ses défauts.

Mais il y a les lectures du jour, disais-je. Tirées de la Bible, vous savez chers Amis, ce livre qui prend la poussière sur une étagère chez vous… cet objet qui ne s’use que si l’on ne s’en sert pas… Cet objet qui devrait être offert à tous, gratuitement, enfin en tout cas à Lens, à Chermignon on les vendrait, faut pas pousser non plus !

On peut lire ces textes en se disant que ce sont de vieux textes d’il y a en tout cas deux mille ans. Mais pour lire la Bible correctement, il faut changer notre regard, il nous faut comprendre qu’elle a quelque chose à nous dire AUJOURD’HUI, qu’elle parle de nos situations de vie, pas seulement de la vie de Pierre, de Paul ou de Jésus.

Encore faut-il chausser les bonnes lunettes pour effectuer cette lecture.

Ça tombe bien, on a ici à Lens un président qui est spécialiste dans le domaine des lunettes.

Est-ce que par hasard, cher David, tu aurais de quoi m’aider dans ma lecture ?

[…va chercher les lunettes que lui tend le président, des lunettes de soleil jaune.]

Vous voyez chers Amis, notre président, c’est vraiment un expert. Il a tout de suite compris qu’il faut des lunettes de soleil, parce que la vérité de la parole de Dieu éblouit souvent, colorées parce qu’il nous faut retrouver dans ces textes noir-blancs les couleurs de nos vies d’aujourd’hui, et modernes parce que ces paroles n’ont rien d’ancien, en fait.

[…Regardant la couleur jaune des lunettes…]

Bon, David, y a que la couleur jaune qui fait un peu Chermignonard sur les bords, mais comme je n’ai rien dû te payer, la comparaison s’arrête là.

Relisons le premier texte…

Il y avait une persécution dans l’Eglise, le roi Hérode avait supprimé Jacques en lui coupant la tête, puis mis en prison Pierre pour l’empêcher de partir. La communauté priait pour lui. Et l’ange du Seigneur est venu le délivrer et l’emmener loin du roi Hérode, en sécurité.

Avec les lunettes de ma vie, cela donne ceci : (chaussant les lunettes)

Dans mon premier poste de prêtre, précédant ma venue chez vous, il y a eu un grave conflit entre les puissants – Hérode donc – et un laïc de la paroisse qui a fini par être éliminé (on ne lui a pas coupé la tête comme à Jacques, mais on l’a licencié, c’est notre manière moderne de couper les têtes). Puis, les puissants ont refusé ma demande de partir de ce lieu. J’étais emprisonné en quelque sorte. Comme Pierre.

L’ange du Seigneur est venu me trouver – et je peux vous confier que j’ai vraiment eu l’impression de rencontrer des anges à ce moment-là, notamment auprès des amis qui m’ont soutenu, des confrères qui m’ont écrit ou accueilli.

Ces anges m’ont emmené loin de ma prison, les portes se sont ouvertes. Et le Seigneur m’a conduit jusqu’ici, à Lens, chez vous, il m’a délivré.

Je suis sûr que vous aussi, dans vos vies, vous avez vécu des situations d’oppression, d’emprisonnement et de délivrance. Et je suis prêt à parier que le Seigneur n’est sûrement pas étranger à votre délivrance. Encore faut-il voir les choses avec les bonnes lunettes, celles qui nous montrent le verre à moitié plein, par exemple.

(Enlevant les lunettes)

Reprenons maintenant l’Evangile : Jésus demande aux personnes qui sont devant lui de dire qui il est. Plusieurs parlent de Jean-Baptiste, d’Elie, de Jérémie, de prophètes. Et Pierre répond avec sa fougue : « TU ES LE MESSIE, LE FILS DU DIEU VIVANT !«  Cela lui brûle les lèvres, il ne peut pas ne pas le dire. Et Jésus lui dit : « HEUREUX es-tu, Simon ».

Avec les lunettes de ma vie pendant ces deux années chez vous, ça donnerait quelque chose comme ça : (chaussant les lunettes)

J’ai passé mon temps à essayer de vous dire que Jésus est le MESSIE, votre Sauveur, qu’il est le Fils du Dieu VIVANT, pas ce Dieu poussiéreux qui dort au fond des armoires des sacristies, mais le Dieu VIVANT qui se trouve dans le rire d’un petit enfant, dans le sourire d’un prêtre que j’ai toujours essayé d’afficher pour transmettre la joie de l’Evangile, comme dit notre pape François.

Et dans ma prière, j’ai souvent entendu Dieu me dire : Heureux es-tu, Vincent. Heureux es-tu d’être ici à Lens parmi ces gens merveilleux, sur cette colline paradisiaque, heureux es-tu.

Je suis sûr que vous aussi, vous avez conscience d’être heureux de vivre ici, sur la belle colline du Châtelard, avec le Christ-Roi qui veille sur votre village. Heureux êtes-vous !

Deuxième lecture, enfin (enlevant les lunettes) :

Paul nous dit qu’après avoir échappé à la gueule du lion, puis après un temps de fidélité où le Seigneur l’a rempli de force pour annoncer l’Evangile, voici venu le moment du départ.

(Remettant les lunettes) Je ne sais pas s’il est nécessaire de remettre les lunettes tant la lettre à Timothée colle à ce que je vis : oui, voici venu le moment du départ. C’est d’ailleurs théoriquement la dernière fois aujourd’hui que je célèbre dans cette belle église St Pierre de Lens, et parmi vous. Je dis théoriquement car je peux encore avoir des obsèques à célébrer dans ce lieu d’ici les deux semaines qui me restent, et comme les morts manquent de savoir vivre, ils préviennent rarement à l’avance !

Mais voici le moment du départ, après avoir pris des forces chez vous. J’emporterai cette force que vous m’avez transmise, chers Amis, votre amour de la terre, de la vigne et des gens, votre foi aussi.

J’emporterai de Lens, ces lunettes qui, au-delà de me rappeler le soleil lensard et votre sympathique président, symbolisent ce nouveau regard que vous m’avez aidé à porter sur la vie, sur ma vie de prêtre aussi.

Et je suis sûr que vous aussi, vous avez de ces lunettes qui permettent de retrouver votre histoire à vous dans les textes de la Bible. Moi j’ai utilisé des lunettes jaunes pour symboliser cela, pour sourire un peu. Mais, pardonne-moi David, vous pouvez avoir les meilleures lunettes de chez Bagnoud, ce n’est pas l’objet qui fera votre regard.

Et comprendre la Bible, la rattacher à l’aujourd’hui de nos vies, c’est d’abord une qualité de regard. Le Petit Prince disait que l’on ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux.

Je vous souhaite cette qualité de regard, chers Amis lensards, avec ou sans lunettes.

J’ai cité la première lecture, l’Evangile, la seconde lecture aussi, resterait le psaume.

Et justement ce sont les mots du psaume qui me serviront de conclusion pour vous dire que je continue ma route avec la même fougue et la même force, et pour vous demander de continuer à prier comme vous le faites, de continuer à voir combien le Seigneur est grand et bon pour ceux qui l’aiment.

Comme le dit le psaume en effet :

Moi…

Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres.

Et vous…

Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom !

MERCI, Amen, Alléluia !

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Lens, vendredi 1er août 2014, 9.30

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