Les saints gros-mots de Claire

Photo DR : Claire de Castelbajac, sur www.boulaur.org

Homélie pour la Solennité de Tous les Saints

Apocalypse 7,2 – 14  /  Psaume 23  /  1Jean 3,1 – 3 / Matthieu 5, 1-12a

> Pour ECOUTER l’homélie, cliquez juste à gauche du compteur ci-dessous :

Chers Amis,

J’aimerais vous parler d’une jeune femme au sourire ravageur. Non, non, rassurez-vous, je vis très bien mon vœu de célibat, ce n’est pas de cela dont il s’agit. C’est une future sainte. Elle était restauratrice d’art, à Rome. Et comme toutes les jeunes femmes de son âge – elle avait 22 ans – elle espérait rencontrer un prince charmant merveilleux. Elle espérait rencontrer le bonheur, être heureuse comme le disaient les béatitudes que nous venons de réentendre.

Elle s’appelait Claire de Castelbajac, c’était une jeune française du sud-ouest, à l’accent chantant des gens de là-bas.

Elle espérait beaucoup de choses à 22 ans, mais sa vie s’est arrêtée là le 22 janvier 75, ça fait juste 40 ans.

Et elle est en passe d’être béatifiée, de devenir bientôt sainte, qui sait, de faire partie de nos grandes sœurs les saintes.

Et ce qui est amusant avec Claire de Castelbajac, c’est ce qui a failli poser problème dans le dossier déposé à Rome pour sa béatification. Vous savez ce qui a posé problème ? C’est son langage, figurez-vous.

Claire n’était pas avare de gros mots, notamment dans les lettres qu’elle écrivait à ses amies. Elle avait un langage relativement cru aussi pour parler des garçons. Je ne vous la cite pas parce que ça écorcherait la plupart des oreilles présentes ici… mais je vous assure que c’est fleuri !

Est-ce que c’est l’image d’une sainte que vous avez, vous, en tête : une jeune fille qui jure comme un charretier ?…

Moi, j’avoue que ce n’était pas tout à fait l’image d’une sainte que j’avais.

Parce que je me trompe, comme la plupart d’entre nous. J’ai encore bien ancrée en moi l’image qu’un saint ou une sainte, c’est quelqu’un d’à peu près parfait.

Et c’est une monstre bêtise ! Il nous faut corriger cela en nous au plus vite !

Une sainte, un saint, c’est quelqu’un que l’Eglise nous donne en exemple, c’est vrai, mais pas pour la totalité de sa vie ! Pour telle ou telle action remarquable. Et ça ne veut pas dire que cette personne a été parfaite !

Prenez Saint Pierre, pour prendre l’un des plus connus. Bah c’était pas un saint au sens où on l’entend dans l’expression populaire ! C’était pas un homme parfait, Saint Pierre. Il a quand même fait quelques boulettes, hein…

Deux fois rien, il a renié le Christ ! Trois fois, en plus. Bah c’est pas tout à fait un détail ! Eh bah il est Saint.

Prenez Saint Paul… Personne ne remettrait en doute la sainteté de Paul ! Eh bien Paul, je vous rappelle qu’avant d’être converti il faisait assassiner des Chrétiens, quand même. C’est pas tout à fait un détail ! C’est autre chose que des gros mots ! Eh bien il est Saint, Saint Paul.

Ce qui prouve bien, chers Amis, que la sainteté ce n’est pas être parfait tout au long de sa vie, sans quoi nous n’y serions pas tous appelés. Or nous sommes tous appelés à être saints ! Et nous ne sommes pas parfaits – enfin je ne sais pas vous, mais moi en tout cas pas !

Être saint ce n’est pas être parfait, c’est être d’abord humain ! Et faire quelque chose de remarquable dans sa vie. Et ça, nous en sommes tous capables. Saint Pierre a fait des choses remarquables, Saint Paul aussi. Claire de Castelbajac aussi.

Être reconnu saint par l’Eglise c’est cela, pas autre chose.

Eh oui, chers Amis. L’Eglise rappelle que nous avons TOUS vocation à être saints. Tous. Quel que soit notre âge, notre condition de vie.

Seul Dieu est parfait. Mais en essayant de faire de notre mieux pour suivre le Christ avec nos qualités et avec nos innombrables défauts, eh bien c’est ainsi que nous cheminons vers la sainteté.

Et c’est pour cette raison que la fameuse collision du 1er novembre avec le 2, de la Toussaint avec la célébration des fidèles défunts n’est pas si inintéressante que ça.

Car si l’Eglise a reconnu près de 10’000 saintes et saints, il y en a en réalité des milliards. Mais oui, quantité de gens ont été des saints sans que l’Eglise ne le sache jamais. Nos cimetières sont remplis de saintes et de saints que Rome ne connaîtra jamais, mais que vous, vous connaissez, parce que vous les avez connus dans leurs vies. Vous savez qu’ils ont fait des choses remarquables.

C’est pour cette raison qu’il est intéressant de lier ces deux fêtes, celle de la Toussaint et celle de la commémoration des fidèles défunts. Les lier – sans les confondre, je changerai de couleur tout à l’heure pour aller au cimetière. Mais nous les lions tout de même ces deux fêtes.

La Toussaint nous appelle toutes et tous à la sainteté en n’oubliant pas que cela ne signifie pas la perfection; et la commémoration des fidèles défunts nous invite à nous rappeler ce que fut la sainteté de nombre d’entre eux, de nombre de ces défunts qui ont compté pour nous et dont nous connaissons la vie exemplaire à plus d’un titre.

C’est ce que nous rappelait le texte de l’Apocalypse que nous avons lu en première lecture. Apocalypse, vous le savez, qui ne veut pas dire « fin du monde », hein, ça aussi faudrait le redire autour de nous. Apocalypse, en grec, ça veut dire « révélation », tout simplement.
Et c’est un texte qui est appelé à devenir une révélation parce qu’il est codé.

On nous parle de 144’000 personnes, ben c’est un chiffre codé. C’est 12 fois 12 fois 1000, on sait aujourd’hui que ça veut dire la multitude multipliée par elle-même à l’infini… ça fait du monde, hein, j’aime mieux vous dire ! C’est ça, le nombre des sauvés.

Quand l’Apocalypse nous parle de ces gens innombrables, habillés de blanc, qui viennent de la grande épreuve, c’est un code ! C’est un code pour nous parler de nos défunts, bien sûr ! La grande épreuve, c’est la mort. Et s’ils en reviennent, habillés de blanc, c’est parce que nous, nous croyons que la mort n’arrête rien. La vie continue après. C’est aussi ce que nous célébrons ces jours.

Etre saint, chers Amis, être bienheureux, c’est aussi ce à quoi nous appelait l’Evangile avec ces fameuses béatitudes. Heureux ceux qui pleurent ici-bas, parce qu’ils seront consolés là-haut.

Ben Oui, chers Amis, le cimetière d’Hérémence est sans doute rempli de saintes et de saints mais seuls leurs proches le savent. Nous les pleurons ici-bas mais nous serons consolés, là-haut, quand nous les découvrirons enlacés dans les bras de Dieu.

Alors poursuivons notre chemin de sainteté, chers Amis. C’est au fond ce que vous êtes venus faire ici ce matin, aussi : vous nourrir du corps du Christ pour alimenter votre sainteté, pour poursuivre votre chemin.

Poursuivons-le du mieux que nous le pouvons, avec nos qualités, nos défauts, sans forcément les gros mots de Claire de Castelbajac, mais en répandant Dieu sur nos sourires comme elle le faisait mieux que personne.

________________________________________

Evolène, mardi 1er novembre 2016, 10.00

Vex, samedi 31 octobre, 18.30

Hérémence, dimanche 1er novembre, 10,30 (version enregistrée)