Marie des Protestants

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Photo DR (montage) : jardinsduciel.centerblog.net / liberationfilms.be

 

Homélie pour la solennité de l’IMMACULEE CONCEPTION

(Genèse 3,9-20 / Psaume 97 / Ephésiens 1,3-12 / Luc 1, 26-38)

 

Chers Amis,

J’aimerais que vous fermiez les yeux quelques instants et que vous contempliez l’image de la Vierge Marie telle qu’on la représente souvent…

Un de ces tableaux éthérés, où Marie est en robe blanche et bleue, la tête légèrement inclinée, les mains sagement jointes. Un instant on imagine ces gadgets de Lourdes où Marie est couronnée d’étoiles qui clignotent… quand elle n’est pas sous un petit globe qui fait neiger quand on le retourne…

Marie, dont on fait des statues, des chapelets phosphorescents en plastique, des images pieuses toutes plus kitsch les unes que les autres. Marie que l’on va jusqu’à représenter BLONDE !

Blonde ! Si le Seigneur avait choisi une Blonde pour faire naître son Fils, ça se saurait ! Et puis avec tous les gags qu’on fait sur les blondes, la pauvre…

Blonde à la peau blanche, en plus, en général !

Non mais stop, stoooop ! Rouvrez les yeux, réveillez-vous ! Elle doit s’étrangler, là-haut, à force de voir à quel point on la dénature et à quel point on la déifie ! Je proteste !

Imaginez-là VRAIMENT, maintenant, telle qu’elle a dû être... Une femme de Palestine, aux cheveux noirs, à la peau tannée, les joues plutôt terreuses que roses à force d’arpenter le désert, les mains plutôt usées et rugueuses que douces et fines comme sur les tableaux de la renaissance.

Qui est Marie ? La réponse n’est déjà pas toute simple. Des traités entiers de théologie ont été écrits sur elle, sur son Immaculée Conception que nous célébrons aujourd’hui, sur son Assomption aussi… Des pages et des pages ont été rédigées pour expliquer ces dogmes inexplicables. Pour déflorer ces mystères qui doivent rester vierges. Et ce n’est pas qu’un jeu de mots facile. Il y a des mystères qu’il faut avoir l’humilité de ne pas tenter d’expliquer, faudrait que l’Eglise en prenne conscience une fois, quand même !

Alors oui, il y a la Marie élevée si haut qu’on vous l’a volée, qu’on l’a dérobée au peuple de Dieu pour la hisser sur un trône qu’elle n’a jamais demandé ni voulu.

Mais – je proteste encore – ce n’est pas Marie.

Marie, c’est une femme de Palestine. Une femme. Comme vous, Mesdames. Une mère, qui plus est. Avec les mêmes soucis, les mêmes angoisses, les mêmes joies, les mêmes colères. Une femme de Nazareth, avant tout.

Une jeune femme d’il y a 2000 ans, juive pratiquante. On aurait tendance à l’oublier. Et pas une déesse, l’Eglise l’a souvent rappelé, et ça aussi on aurait tendance à l’oublier. Comme les saints et les bienheureux, nous prions le Christ avec son aide. Mais elle n’est pas divine. Le chapelet est d’ailleurs une prière christique. Ce sont les mystères du Christ que nous méditons en égrainant nos chapelets. Marie, porte du ciel, nous aide simplement à accéder au Christ.

Elle a reçu de nombreux titres au travers de l’histoire. Je me demande parfois ce que doit penser la jeune femme de Nazareth de tout ce dont on l’a affublée au cours des siècles.

Elle fut conçue sans péché – immaculée – c’est ce qui la rend différente de nous qui connaissons tous ce péché des origines, l’orgueil. Elle, non. C’est du moins notre Foi. Mais pour le reste, Marie est une femme, comme vous Mesdames.

Une femme de Palestine.

Mais une autre question, plus vertigineuse encore, n’en finit pas d’être posée. Qui est Marie pour chacune et chacun de nous ? Car nous avons toutes et tous la nôtre, parfois bien différente de celle de notre voisin.

Pour avoir travaillé la figure de Marie avec des amis protestants au Camp Biblique Oecuménique de Vaumarcus, ces protestants dont on croit trop souvent qu’ils ne vénèrent pas la Vierge Marie, je peux vous dire que ce que j’ai entendu de plus émouvant venait souvent de ces chrétiens réformés.

Je vous livre, en sa très catholique fête de l’Immaculée Conception, un petit florilège de certains de ces témoignages de protestants, que je trouve très émouvants.

Ainsi cette femme réformée qui écrit :

« Pas si facile de parler de quelque chose de si intime, pas si simple de visiter, en tant que femme, une femme si pure, si parfaite, alors que notre reflet dans le miroir est craquelé, fragile. Dans mes souvenirs de petite fille protestante, Marie est une femme debout, les bras un peu écartés. Je l’imagine souriante.

Elle est là, figée dans ce minuscule cadre ovale, flottant sous ce vernis bleu et lumineux que je porte autour du cou. Et moi j’aime le toucher du bout des doigts. Un jour le médaillon a disparu, on ne sait plus trop pourquoi. Mais l’image est restée très présente dans ma mémoire, et l’image de cette femme est souvent revenue me visiter. Et moi, protestante sans culture mariale particulière, j’aime pourtant, au cours de mes voyages, me rendre dans les églises catholiques et déposer un cierge aux pieds de la statue de Marie, après lui avoir dit quelques mots, qu’elle seule peut entendre, parce que tout comme moi, elle est femme avant tout»

Ce cher ami pasteur vaudois qui écrit ceci :

« Venise, église dei Frari. D’abord un tour à la sacristie, une vierge à l’enfant de Bellini, de longues mains fines maintiennent doucement Jésus. Beauté parfaite, impression de calme, de plénitude, de recueillement. Puis la nef et le choeur, avec une immense assomption du Titien, le visage un peu extasié de Marie comme une jeune italienne, séduisant de fraîcheur, triomphe de l’esthétique, de la non-emprise du temps.

Et puis la chapelle à gauche. Une simple plaque en pierre au sol, juste un nom, Claudio Monteverdi, l’auteur des Vêpres de la Vierge les plus connues sans doute. Il y a toujours quelques fleurs fraîches posées à même la pierre. Marie, la jeune palestinienne, y chantait l’espoir d’un monde transformé.

Il y a deux manières de rendre quelqu’un inoffensif. La première est de l’éliminer, cela ne marche pas toujours, regardez Jésus ! La seconde est souvent plus efficace, c’est de diviniser la personne. Pauvre Marie… On n’est jamais mieux trahi que par les siens. »

Enfin, il y a cette pasteure d’un petit village de montagne là-haut, bien plus loin en Suisse Romande, qui écrit :

« Marie pour la petite fille que j’étais, c’est d’abord la petite Marie de la crèche que l’on sortait pour Noël. Plus tard, en théologie, je m’intéresse à cette Notre-Dame de Lausanne, à sa chapelle de la Vierge, à cette statue disparue (fondue par les Bernois à la réforme) représentée sur le vitrail, une forte femme portant son enfant qui lui-même porte le monde. Du solide, quoi ! Une femme devant qui on venait prêter serment et conclure des affaires. Une personnalité, Marie était considérée comme la véritable suzeraine de la ville.

Et les Bernois n’ont d’ailleurs pas osé supprimer la fameuse Fête de la Dame, patronale de la ville. Dans cette chapelle, devant ce vitrail, moi la pasteure réformée, je suis venue bien des fois lui parler, à Marie, et prier. J’aime aussi cette Marie debout au pied du Christ solennel qui va la couronner dans le portail peint de cette même cathédrale, une petite Marie à qui on n’a pas cassé la figure au moment de la réforme parce qu’on ne l’a pas reconnue.

Et parfois, lorsque je célèbre au centre funéraire d’Yverdon, je m’approche de la petite Marie en bronze qui est en punition derrière un pied de l’autel. On ne la sort que lorsque le célébrant est catholique. Elle a l’air d’être au coin, la pauvre. Alors, à chaque fois, je la retourne vers l’assemblée pour lui permettre de respirer. Entre femmes, c’est bien le moins ! »

Voilà chers Amis, nous avons chacune et chacun notre petite Marie. Je voudrais terminer par ce « je vous salue » un peu particulier écrit par l’un de ces amis protestants :

« Je vous salue, Marie, pleine d’humanité. Le Seigneur est avec vous et avec nous tous. Vous êtes bénie, comme toutes les femmes, et Jésus, le cadeau que vous nous avez donné, est béni. Vous êtes Sainte, Marie, parce que vous êtes humaine. Mère de Dieu comme nous sommes tous appelés à l’être. Vous qui avez sûrement prié, espéré, hurlé, chanté, alors hurlez pour nous, qui sommes humaines comme vous, chantez comme nous si vous nous entendez, maintenant et à l’heure de notre rencontre avec ce Dieu que nous prions avec vous. Amen. »

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Sanctuaire de Crételles, 8 décembre 2013, 10.30

Chermignon d’en Bas, 9 décembre, 14.00

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3 Responses

  1. Myosotis

    Vous me faites vraiment du bien de parler comme ça…! Je suis catholique mais avec toutes ses images « kitsch » vous avez raison on dénature Marie, elle n’est plus du tout humaine, c’est dommage ça devrait être un modèle pour tous les chrétiens un modèle d’humanité dans le beau sens du terme un modèle d’amour et de tendresse pour le monde entier.
    Merci à vous !

  2. Abbé ARBEZ

    Ok, Marie, mère de Yeshua n’était pas une blonde, une de ces walkyries que l’on voit parfois…
    Mais ce n’était pas non plus une femme de PALESTINE, c’était une petite JUIVE de Judée, pays des Juifs!
    A la naissance de Jésus, la Palestine n’existait pas ailleurs que dans la petite enclave (aujourd’hui Gaza) ancienne terre des Philistins, venus de la mer Egée et non d’Arabie.
    le reste du pays, Israël, était la Judée, la Galilée, la Samarie. Jamais Jésus n’a été appelé « le palestinien », mais le « Galiléen ».
    Cordialement,
    ARA

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