Marie-Madeleine

Classé dans : A voir..., SpiNéma | 2
Imprimer

Photo DR : allocine

 

Drame historique de Garth Davis

Sortie française le 28 mars 2018

Avec Rooney Mara, Joaquin Phoenix, Tchéky Karyo

 

Chasser deux erreurs

Le personnage de Marie de Magdala est encore trop souvent associé à deux autres femmes de la Bible avec lesquelles elle a été confondue par le pape Grégoire le Grand en 591, la pécheresse de l’Evangile de Luc et une prostituée. Dans d’autres esprits – et parfois dans les mêmes ! – elle est aussi considérée, à cause du « Da Vinci Code » de Dan Brown, comme l’hypothétique épouse du Christ.

« Intéressant qu’une théorie en ait chassé une autre ! Comme si elle n’avait pu être qu’une prostituée ou la femme de Jésus ! » déclare l’actrice Rooney Mara qui l’interprète dans ce film. Il y a sûrement un juste milieu, en effet.

Qu’un film aujourd’hui parvienne finement à éviter ces deux écueils est déjà une performance. Mais l’ensemble tend beaucoup plus vers le chef d’oeuvre, et pour de nombreuses raisons.

Du neuf et du surprenant

D’emblée le film va surprendre ses spectateurs, en revisitant l’histoire du Christ comme on ne l’a jamais vue. Evidemment puisqu’on la suit via le regard de Marie-Madeleine, un regard présent dans un texte apocryphe – l’évangile de Marie – sur lequel le film s’appuie considérablement (spécialement dans les répliques de Marie-Madeleine).

Pierre est un homme de couleur (étonnant Chiwetel Ejiofor !), Jésus n’a pas le visage émacié aux yeux bleus devenu quasi-obligatoire pour l’évoquer (Joaquin Phoenix l’interprète tout en silences et en finesse, une performance !), Judas nous est sympathique tout en laissant transparaître peu à peu une pathologie dont on connaît l’issue (Tahar Rahim, fascinant de justesse), Marie mère du Christ est effacée mais hypnotique lors des quelques apparitions (sans jeu de mot) dont elle est gratifiée (Irit Sheleg, bouleversante), bref : si l’on s’attend à revoir du Zeffirelli ou à réciter nos leçons de catéchisme, on risque d’emblée d’être déplacé de notre zone de confort.

Rooney Mara : 20/20

Et puis il y a le personnage principal. Et là, impossible de ne pas donner la note maximale à Rooney Mara, impeccable de justesse et de nuances. Pas une seule ambiguïté qui nous ramènerait sur la fausse piste de l’épouse ou nous rappellerait l’erreur historique de la prostituée. Voilà la Madeleine que l’on souhaitait découvrir depuis longtemps, celle qui fut – au même titre que Pierre, Jacques, Jean et les autres – disciple de Jésus, son « Rabbi » (que de justesse et d’émotion dans la voix qui double Rooney Mara en français, lorsqu’elle prononce ce mot !).

Evidemment, le regard de la comédienne n’est pas pour rien dans l’émotion que suscite chacune de ses interventions. Quelle puissance et quelle douceur à la fois dans ce bleu magnétique qui ne laissera indifférent aucun spectateur, j’en gage.

L’Italie biblique

Impossible, même lorsqu’on sait que le film a été tourné en réalité en Italie (Sicile et pays Napolitain), de ne pas reconnaître la Galilée, la Samarie, la Judée. L’évocation est fine, là encore, et parfaitement filmée. Quant à Jérusalem… quelle émotion en redécouvrant le Temple tel qu’il fut, et quelle scène de colère de Jésus dans la célèbre chasse des marchands du Temple ! Les images de paysages valent à elles seules une vision en grand écran, que la musique entêtante, soutenant toujours l’action sans la précéder, soutient très efficacement.

Le baptême et l’Eglise en filigrane

L’exacte théologie du baptême, comme plongée dans la mort et renaissance à la lumière avec le Christ, traverse tout le film et affleure aux moments-clés avec une magnifique illustration en caméra sous-marine.

L’Eglise, symbolisée par Pierre, est également en filigrane du scénario remarquablement bâti sur le texte apocryphe cité précédemment. Les deux heures du film sont une métaphore des deux mille ans d’histoire de l’Eglise, avec ses dérives soldatesques ou légalistes, ses découvertes de la vraie miséricorde infinie d’un Dieu d’Amour, ses jugements trop vite posés et ses doutes, aussi. Le texte final rappelant que l’Eglise d’aujourd’hui a réhabilité Marie-Madeleine en la remettant à sa juste place d’Apôtre des Apôtres.

Une oeuvre dont on ressort meilleur, à voir absolument et si possible au cinéma !

 

Imprimer

2 Responses

  1. Philippe Golaz

    Merci Vincent pour cette réflexion sur ce très beau film que j’ai découvert hier soir. J’attendais avec impatience d’assister au fameux « rabouni », mais il n’est jamais venu. Pourtant, tu sembles ici indiquer qu’il est présent dans la VF ?

    • Vincent Lafargue

      Cher Philippe,

      Je parle de toutes les fois où elle dit « Rabbi »… Je n’ai pas écrit « Rabouni » et effectivement cette ultime appellation n’est hélas pas mise en scène.

      La voix française est assurée par Lucie Boujenah, nièce de Michel.

      Heureux que le film t’ait plu !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.