Médias… immédiats !

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Photo : DR pixabay

 

“Ah, une dépêche vient de tomber ! Alors chers téléspectateurs… ce que l’on sait… on sait que le… heu… on sait que… on … on ne sait rien ! On ne sait rien du tout… mais le plus important c’est que je sois le PREMIER à vous le dire !” Ainsi s’exprimait un humoriste il y a bientôt trente ans… et c’est tellement d’actualité!

Le mot “média” est censé signifier “l’intermédiaire”. Nos journaux, particulièrement, sont censés être les médiateurs entre l’information et nous. La présence d’un intermédiaire suppose un temps, celui du média, ce temps nécessaire pour que l’information parvienne, si possible expliquée, décryptée, commentée, jusqu’à son destinataire.

Son contraire, “l’immédiat”, indique qu’il n’y a aucun intermédiaire et donc aucun temps entre l’action et sa réception, c’est l’immédiateté.

Or nos médias tombent de plus en plus souvent dans l’immédiat. L’information va vite, très vite, trop vite. Dans les salles de rédaction, on ne prend plus toujours le temps de vérifier les faits en croisant les sources car, pendant ce même temps, le journal concurrent aura sorti l’info le premier et on perdra de l’audience.

Non pas au lendemain mais le jour même dans l’avion

Ainsi, une conférence de presse du Saint Père doit absolument être donnée non pas au lendemain d’un voyage diplomatique mais le jour même dans l’avion. Avec tout ce que cela suppose de fatigue, de non préparation, d’à-peu-près qui mériteront des ajouts ultérieurs. Las! Les médias seront déjà passés à autre chose lorsque le Vatican précisera ce que le pape avait voulu dire. Ils auront déjà publié la petite phrase entendue dans l’avion, sortie de son contexte et – pourquoi pas – mal traduite de surcroît, pourvu qu’ils soient les premiers à la dire…

L’important n’est plus que les gens comprennent, l’important n’est même plus que ce que l’on publie soit forcément vrai, l’important c’est que l’info frappe si fort que tout le monde l’achète sur la base d’un titre en lettres rouges… quitte à la démentir par la suite, en plus petits caractères bien entendu.

Un “média immédiat”, c’est pourtant une parfaite contradiction dans les termes… Mieux, c’est l’archétype de cette figure de style qu’on nomme “oxymore” et dont nos professeurs nous apprenaient qu’elle rapproche un nom et un adjectif aux significations pourtant opposées (ex: l’obscure clarté).

Mais là, je vous parle d’un temps où l’on avait encore le temps, en plus de servir la vérité, d’étudier le style, bien sûr.

 

Vincent Lafargue | 10.09.2018

Publié sur le site www.cath.ch

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