Nabila, Einstein, et les autres brebis

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Photomontage DR : www.trans4mind.fr et www.comite-valmy.org
 

Homélie pour le 4e dimanche de Pâques, C

Actes 13,14.43-52 / Psaume 99 / Apocalypse 7,9-17 / Jean 10,27-30

Chers Amis,

On va supprimer cette messe, ici à St Nicolas, parce qu’Elvio et mes autres confrères vont aller la dire à l’UBS, en ville, dorénavant…

… [un temps]

Panique, hein ? Mais non, je blague.

Pourtant, votre réaction, c’est exactement ce que nous raconte la première lecture.

Paul et Barnabé ont d’abord annoncé la bonne nouvelle aux pratiquants.

Paul et Barnabé, prêtres de l’époque, c’est Elvio, Alain-René, François, Jean-Claude et les autres. Les pratiquants, c’est vous.

Puis, quand Paul et Barnabé ont commencé à vouloir annoncer la bonne nouvelle aux autres, aux non-pratiquants, aux païens, alors les pratiquants se sont fâchés. Panique !

« Ah non ! vous n’allez quand même pas supprimer la messe ici pour aller annoncer le Christ aux autres ! A l’UBS, en plus, non mais allô quoi !« 

« On préfère rester entre nous, non mais des fois !« 

On n’aime pas tellement que les gens qui prennent soin de nous aillent s’occuper des autres, en fait. En tout cas pas qu’ils nous quittent pour aller s’occuper des autres, ça, ça ne passe pas.

(Et d’ailleurs mes paroissiens valaisans ne doivent pas être très contents que je m’occupe de vous en prêchant ici, ce soir. Mais bon, je suis en congé à cause de mon bras cassé, c’est un peu différent…)

Seulement évidemment le scénario apocalyptique que je décrivais ne peut pas vous arriver à vous. Il y a une étape que j’ai sautée à pieds joints, dans mon raisonnement. Parce que si Paul et Barnabé ont abandonné les pratiquants pour aller trouver les païens, c’est qu’il y avait une raison.

Pourquoi Paul et Barnabé ont-ils abandonné les pratiquants pour aller enseigner la parole de Dieu aux païens ? Le texte le dit. Parce que les pratiquants rejetaient la parole de Dieu et – très intéressant – parce qu’ils ne se croyaient pas dignes de la vie éternelle, vous l’avez entendu.

Ça ne va pas vous arriver, ça. Noooon.

Vous ne rejetez pas la parole de Dieu puisque vous êtes venus l’écouter ce soir.

Reste à l’appliquer dans nos vies, ça, c’est plus compliqué évidemment, mais c’est un premier pas de venir l’écouter, et c’est déjà très bien, bravo, félicitations !

Quant au deuxième argument… là…

« Ah moi, vous savez, la Résurrection… on n’est pas sûrs, hein…« 

« …d’ailleurs comme par hasard personne n’est jamais revenu nous le dire… « 

… Euh, ben si, un quand même !

« Ah oui mais bon c’est Jésus, lui c’est facile…« 

« …Ouh moi, vous savez, plus je vieillis plus je doute…« 

« Vous croyez VRAIMENT qu’il y a une vie après la mort, vous ? »

« Ouh puis alors moi, avec tous les péchés que j’ai commis dans ma vie, je suis pas prêt d’y aller, au paradis ! »

Ou encore mieux, une amie qui me dit l’autre jour : « J’espère bien qu’ils seront indulgents là-haut, parce que s’ils me comptent toutes les bêtises faites ici-bas… »

Paul et Barnabé les ont abandonnés « parce qu’ils ne se croyaient pas DIGNES de la vie éternelle… » ça vous parle mieux, là maintenant ?

Nous sommes tous un peu comme ça. Nous avons toutes et tous cette fausse humilité de croire que notre place n’est pas forcément dans la vie éternelle.

Non seulement c’est de la fausse humilité mais en plus c’est une gifle infligée à Dieu.

Car Dieu nous VEUT dans la vie éternelle. TOUTES ET TOUS !

Et pas seulement ceux qui sont à la messe à St Nicolas le samedi à 17 h., TOUS !

Et pas seulement ceux qui vont à la messe toutes les semaines, TOUS !

Et pas seulement ceux qui paient leurs impôts ecclésiatiques, TOUS !

Et pas seulement ceux qui sont catholiques, TOUS !

Et pas seulement ceux qui sont chrétiens, TOUS !

Et pas seulement ceux qui sont croyants, TOUS !

Y compris ceux qui se croient les meilleurs avec leurs millions à l’UBS. Eux aussi, Dieu les veut avec lui.

Y compris ceux qui ont péché des millions de fois dans leur vie. Eux aussi, Dieu les veut avec lui.

Y compris celle qui croit qu’on va lui présenter l’addition de ses 400 coups de jeunesse. Elle aussi Dieu la veut avec lui.

Y compris, ensemble, les homosexuels et ceux qui sont contre le mariage pour tous. Dieu les veut TOUS avec lui.

Et c’est là que les autres textes du jour prennent tout leur sens.

L’Apocalypse qui nous parlait de cette foule immense des sauvés, une foule que nul ne peut compter, une foule de toutes nations, de toutes races, de tous peuples, de toutes langues… Dieu veut le monde entier avec lui, pas seulement les prix Nobel, mais aussi les cerveaux à un seul neurone de la télé-réalité.

Ah évidemment ça fait bizarre d’imaginer Nabila aux côtés d’Einstein, là-haut, mais vous verrez !

Même idée avec le psaume qui nous disait que c’est la TERRE ENTIERE qui acclame Dieu, c’est la TERRE ENTIERE qui est son troupeau.

Pas seulement Genève.

[… un temps]

Oui, je sais, c’est dur à entendre quand on habite Genève, d’imaginer deux secondes qu’il existe un monde au-delà de la Versoix et que Dieu veut aussi sauver les Vaudois, les Valaisans, les Fribourgeois… Même les Suisse-Allemands, si, si, je vous jure !

Et l’Evangile, bien sûr, couronne cette idée. Ce bon berger dont nous parle Jésus, ce berger qui connaît toutes ses brebis, pas seulement les blanches mais aussi les moutons noirs…

Ce berger qui aime ses brebis au point d’abandonner toutes les brebis saines pour aller à la recherche de celle qui s’est perdue… ça vous parle mieux, là, le prêtre qui abandonne les pratiquants pour aller dire la messe à l’UBS ?

Bien sûr, chers Amis, ce bon berger c’est Dieu. Et Dieu nous aime toutes et tous.

Mais que ça nous plaise ou non, il aura toujours une priorité pour celles et ceux qui sont en marge, qui ne le connaissent pas encore, qui l’ignorent, qui le rejettent, qui l’engueulent, qui ont peur de son jugement. Pour ceux qui ne sont pas dans notre église cet après-midi. C’est ça, Dieu.

Sacré bon berger, non ?

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Genève, St Nicolas-de-Flüe, 20 avril 2013, 17.00

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2 Responses

  1. Joseph

    Très touchante cette homélie. Et tellement vraie. C’est toujours avec beaucoup d’effort qu’on arrive à dire, même à soi même, dans l’intimité de la prière: « je suis l’enfant bien aimé du Père. Merci Père de m’aimer comme si j’était ton seul fils ».

    Mais, Vincent, as-tu qc contre l’UBS?

    • Vincent Lafargue

      Je n’ai rien contre l’UBS en particulier, cher Joseph.

      Je prends simplement facilement notre banque la plus connue lorsqu’il s’agit de parler de banque. Comme je dis facilement « la Migros » plutôt que d’évoquer « un supermarché bien connu à l’enseigne orange ».

      Ceci dit, j’ai donné près de 500 Frs, comme tout citoyen de ce pays, pour sauver les erreurs de cette banque, et ce à une époque
      où cette somme représentait énormément pour le petit salaire que j’avais.

      A l’époque de la crise horlogère – au moment de ma naissance – mon père a été au chômage comme beaucoup d’horlogers de ce pays, à cause de la crise qui touchait leur profession. Bien que celle-ci soit un fleuron de notre pays, l’Etat n’a pas déboursé un centime pour les aider.

      Mais lorsque c’est l’UBS, too big too fail, alors non seulement on débourse mais on oblige les citoyens à réparer de leur poches les erreurs de leur fleuron national. Je pense que ça doit aider à mon ressenti contre cette enseigne…

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