N’y a-t-il qu’une seule porte ?

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Homélie pour le 21e dimanche TO, année C

Isaïe 66,18-21 / Psaume 116(117) / Hébreux 12,5-7.11-13 / Luc 13, 22-30

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

La première lecture de ce jour nous offre une des plus belles pages du Livre d’Isaïe, à la toute fin de son livre, dans une partie qui a probablement été écrite par un de ses disciples d’ailleurs, de nombreuses années après Isaïe lui-même. Mais on est encore plusieurs centaines d’années avant Jésus dans ce texte que nous avions en première lecture.

Et plusieurs siècles avant Jésus, il y est dit une parole révolutionnaire pour les Hébreux de l’époque… et cette parole pourrait bien être révolutionnaire encore pour plusieurs d’entre nous aujourd’hui… plusieurs d’entre nous qui avons eu l’éducation religieuse de cet ancien catéchisme en « questions–réponses » et une théologie qui n’était pas toujours celle d’un Dieu d’Amour.

La parole que nous avons entendue au début de l’extrait d’aujourd’hui disait que le Seigneur Dieu veut sauver TOUS les hommes. Pas seulement les Catholiques Romains, pas seulement ceux qui sont à la messe ce matin, TOUS les hommes. Il veut tous les sauver.

J’insiste sur le verbe « vouloir » : il n’est pas dit qu’il SAUVE tous les hommes, il est dit qu’il VEUT tous les sauver… après, l’autre partie dépend de nous !

Mais il veut sauver tous les hommes de toutes les nations, de toutes races, y compris ceux qui n’ont jamais entendu parler de Lui.

C’est un texte qu’on aurait mieux fait de relire avant d’aller évangéliser de force les Amérindiens au quinzième siècle, les Africains ensuite, et tant d’autres depuis.

Oui, nous avons à transmettre l’Evangile, la Bonne Nouvelle – évidemment ! – nous avons à « évangéliser » dans le sens de « transmettre la Bonne Nouvelle », mais non ceux qui ne l’ont pas reçue ne sont pas pour autant condamnés. Dieu veut tous les sauver.

Et allez savoir… ils sont peut-être davantage sauvés que nous !

Car l’Evangile que nous avons réentendu, dans des paroles du Christ lui-même cette fois, nous rappelle que la porte est étroite.

Et que bien des pratiquants – c’est-à-dire les gens qui sont là ce matin, moi y compris – bien des pratiquants n’y entreront peut-être pas là où des ouvriers de la dernière heure y seront accueillis les bras ouverts.

On a tendance d’ailleurs à se souvenir de la fin de l’Evangile d’aujourd’hui avec la phrase « les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers ». Ce n’est pas tout à fait la phrase qui figure chez Luc, ce n’est pas tout à fait la phrase que vous avez entendue ce matin. « Il y a des premiers qui seront derniers, dit l’Evangile, et il y a des derniers qui seront premiers. » Sous-entendu : pas forcément tous, mais il y en a.

On a tendance à croire aussi – et le début de l’Evangile nous le laisse supposer – que seuls peu de gens seront sauvés. C’est le refrain que nous servent les Témoins de Jéhovah continuellement : « Il n’y aura que peu de sauvés, essayez d’en faire partie ! »

Et la question est posée au début de l’Evangile par un auditeur à Jésus : « N’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? ».

Et quelle est la réponse de Jésus ?

…moi aussi, j’ai dû relire !

Quelle est la réponse de Jésus ? Eh bien comme d’habitude il répond à côté, parce qu’avec lui aucune question n’a de réponse toute faite, toute simple. Il répond justement en disant : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite… »

Nous avons dans la tête cette porte étroite… on se dit qu’effectivement certains n’y entreront pas – moi, avec le gabarit que je me paie, si la porte est vraiment étroite, je ne suis pas sûr de passer !

Mais bien sûr l’étroitesse de cette porte n’a rien à voir avec la dimension supposée de cette porte. C’est autre chose…

Il nous demande de nous efforcer d’entrer par la porte la plus difficile. Et c’est notre porte à nous, cette porte étroite. C’est la porte de ceux qui connaissent Dieu, qui pratiquent, et donc qui sont moins excusables que ceux qui n’ont jamais entendu parler de Dieu. C’est ça, la porte étroite !

« Tu connais Dieu ? Tes parents te l’ont enseigné, tes catéchistes aussi, et tu ne fais toujours pas le bien et l’Amour autour de toi ? Eh bien tu ne vas passer la porte mon Ami ! Parce que tu as moins d’excuses que celui qui n’a jamais entendu parler de l’Evangile ! »

C’est ça, la porte étroite par laquelle nous devons nous efforcer de passer. Elle est plus exigeante parce qu’à nous, il a été davantage donné.

Et je ne parle que de Foi ! Parce que si je parlais du reste… imaginons-nous ayant l’immense chance de vivre dans une région comme celle-ci, dans un pays en paix, d’avoir appris à écrire, à lire, à compter, d’avoir de l’argent dans la poche même si c’est quelques sous, d’avoir un peu de nourriture dans le frigo… c’est peu dire que nous sommes des privilégiés !

Nous avons tout ! Notre porte est bien plus étroite ! Nous avons à faire profiter les autres de tout ce que nous avons. Nous avons aussi à évangéliser, à répandre la foi en ce Dieu d’Amour auquel nous, nous avons eu la chance d’être instruits.

Ceci dit, Chers Amis… vous pourrez relire l’Evangile… Nulle part – nulle part ! – Jésus ne prétend qu’il n’y aurait qu’une seule porte. Nulle part. il y a une porte étroite, dont il parle, c’est celle par laquelle il nous invite à entrer, parce qu’elle est plus exigeante et que nous, nous avons reçu. Mais cela ne prétend nullement qu’il n’y ait pas d’autre porte !

Au contraire ! Tous les textes viennent nous le dire. Dans une série de paraboles, et dans celle-ci encore, il indique que certains derniers seront premiers ! Que certains pourront rentrer en passant peut-être par une autre porte, moins étroite, parce qu’à eux il a été moins donné.

Il y a donc peut-être bien d’autres portes aussi pour ces personnes-là, moins étroites, forcément.

Et la parabole des ouvriers de la dernière heure que nous avions en lecture cette semaine le disait aussi : le Maître peut donner la même chose à chacun, y compris celui qui arrive au dernier moment ! C’est sa décision à lui, au Maître, d’accueillir par telle ou telle porte…

C’est une leçon pour nous, je crois, Chers Amis. Pour moi comme pour vous. Pour nous qui pratiquons – en tout cas qui nous qualifions ainsi, comme des « pratiquants » – c’est une leçon ! Parce que ce n’est pas parce que nous sommes à la messe ce dimanche matin que nous serons forcément plus aptes à passer par cette porte étroite. Cette pratique, nous le savons, elle doit s’élargir à notre vie de tous les jours !

C’est tous les jours que nous sommes pratiquants, ou que nous sommes censés l’être ! Ça ne veut pas dire aller à la messe tous les jours, ça veut dire pratiquer la charité, l’espérance, la foi tous les jours et la répandre autour de nous. C’est ça, être pratiquant, je crois.

La leçon peut être dure. Parce qu’alors – je ne sais pas pour vous mais… – moi je sais très bien que j’ai davantage à pratiquer tous les jours !

Ceci dit, la deuxième lecture – et je terminerai avec cela – la lettre aux Hébreux venait nous dire comment prendre cette leçon qui peut nous paraître dure…

« Mon fils, disait l’auteur de la lettre aux Hébreux, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. »

Il agit en Père avec nous. Un père, c’est exigeant, et c’est bien normal. Les soixante-huitards et ce qu’il serait saugrenu d’appeler leur « éducation » puisque c’est la première et la seule génération à n’avoir pas transmis ce qu’elle avait elle-même reçu, ces personnes-là nous montrent bien – 50 ans après – la catastrophe que représente une éducation sans aucune autorité !

…Les instituteurs parmi nous en savent quelque chose !

Alors entendons-nous bien : l’autorité excessive, celle qui enferme, est néfaste elle aussi. Et plusieurs d’entre nous parmi les plus âgés en savent aussi quelque chose !

La véritable autorité d’un père – ou d’une mère – c’est l’autorité qui aime, c’est l’autorité qui rend libre mais qui rend libre avec des exigences, c’est l’autorité qui rend adulte !

Et Dieu agit ainsi envers nous. En nous redisant qu’il nous veut tous nous sauver, les uns comme les autres, il agit comme un père qui nous aime.

Et il vient nous redire, à travers les textes d’aujourd’hui je le crois, qu’il veut vraiment tous nous sauver, les Chrétiens comme ceux qui n’ont jamais entendu parler du Christ. Les gens qui sont à la messe comme ceux qui n’ont jamais eu la chance d’y aller.

Et il vient nous redire enfin qu’il est toujours possible, jusqu’à la dernière seconde de notre vie, de lui tendre la main.

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Pralong, samedi 24 août 2019, 10.00

La Gouille, dimanche 25 août 2019, 11.00 (version enregistrée)

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