On ne voit bien qu’avec le coeur

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Homélie pour le 23e dimanche du temps ordinaire, année B

Is 35,4-7a / Psaume 145 / Jc 2,1-5 / Marc 7,31-37

Chers Amis,

Il fut un temps, il y avait des noms gravés sur les bancs de devant, dans nos églises. Ces places étaient réservées aux personnes qu’on disait « importantes ». Aux V.I.P, comme on dirait aujourd’hui.

Maintenant, vous me direz, c’est comme si y avait toujours des noms : on n’ose pas s’asseoir devant, comme si ce n’était pas nos places… Eh oui, les églises c’est comme les bouteilles, ça se remplit d’abord par le fond.

Il fut un temps, si quelqu’un d’important entrait dans l’église, on le faisait avancer. On le repérait à ses beaux habits, bien qu’à l’époque tout le monde s’habillait correctement pour venir à la messe – ça aussi ça a bien changé…

On lui disait : « Monsieur le Conseiller, Monsieur le Président – que sais-je ? – venez seulement devant ! »

A l’époque, on jugeait les gens sur leur apparence, ou sur leur poids en réputation. On disait : « On ne hue pas un ancien conseiller fédéral », par exemple. Parce qu’il a été quelqu’un d’important, vous comprenez…

… [un temps]

Remarquez, sur ce point là on n’est pas bien mieux aujourd’hui.

Je me demande tiens… si Christian Varone entrait dans cette église… Est-ce qu’on lui jetterait la pierre ou est-ce qu’on l’inviterait à s’asseoir dans les premiers bancs ?

Non, alors qu’on soit clairs tout de suite, chers Amis. On ne se connaît pas encore bien, mais vous saurez que je ne fais pas de politique. Pour moi c’est incompatible avec ma fonction de prêtre.

Je ne fais pas de politique, mais ça ne m’empêche pas d’être citoyen, de lire les journaux, de regarder les actualités, de voter. Mais je ne vous donnerai jamais aucune consigne en ce sens. Et ceux qui ont tenté un jour de me coller une étiquette de parti sur le front se sont toujours plantés !

Personnellement je vote pour des idées, pour ce que sont les personnes plutôt que pour ce qu’elles font. Notre monde est malade de cela. On met toujours en avant le savoir-faire et jamais le savoir-être.

Moi je vote pour le savoir-être. Et je donne ma voix, en général, c’est logique pour un prêtre, à des candidats qui incarnent, dans leur être, les valeurs chrétiennes.

Parce qu’aujourd’hui des chrétiens il y en a dans tous les partis… Si, si… Même chez les socialistes… Même chez les libéraux-radicaux… Même chez les UDC… Même chez les PDC, c’est dire !

Tout ça pour dire que les textes d’aujourd’hui nous parlent de notre manière de juger selon les apparences. Le Christ nous invite à faire attention à notre manière de juger les gens. La lettre de Jacques nous le rappelait bien tout à l’heure : « ne mêlons pas des considérations de personnes avec la foi en Jésus-Christ ». C’est incompatible. Mêler nos jugements de personnes avec la Foi, c’est comme mêler du vin de Neuchâtel et du vin de Flanthey / de Mollens. Ce serait un crime, vous êtes d’accord ?

La foi en Jésus-Christ ne s’embarrasse pas de question de personnes. Personne ne peut être réduit à son habillement, à ses manières, même à ses actes. On n’a pas le droit de condamner ou de juger quelqu’un, en termes de foi, sur ce qu’il fait. Personne ne sait ce qu’il a au fond du coeur, seul Dieu voit cela.

Et les textes d’aujourd’hui nous invitent tous à voir plus loin que les apparences. Dieu nous rend la vue, il ouvre nos oreilles, le texte de l’Evangile que nous venons de réentendre est aussi symbolique sur ce point. C’est à chacune et chacun de nous que Dieu ouvre les yeux et les oreilles pour supprimer nos aveuglements, nos surdités, moyennant qu’on le laisse faire, bien sûr. Dieu ouvre notre coeur aux autres et nous aide à voir avec notre coeur, et non simplement avec nos yeux et nos préjugés.

J’espère que c’est ce que vous ferez avec moi, parce qu’ici en Valais je cumule toutes les tares: né à Genève et français d’origine, la catastrophe absolue !

Mais bon… tous mes amis à Genève sont Valaisans, et c’est dans ce canton – et notamment dans les Noble et Louable Contrées, que je viens depuis des années marcher, skier, rencontrer des amis que j’ai nombreux par ici…

Et pour ce qui est de la France… je suis originaire d’un coin où – quand on leur dit qu’ils sont Français – ils vous mettent un coup de boule et on discute après. Le Sud-Ouest, le Pays Basque, comme la Bretagne ou la Corse, c’est pas tout à fait la France.

Un pays de montagnes, de caractères bien trempés, de gens proches de la terre et à la Foi bien ancrée…

Des gens presque aussi bien que vous, en somme.

La terre d’où l’on vient, notre filiation, notre niveau social, tout cela dit quelque chose de ce que nous sommes, bien sûr. Mais cela ne dit pas tout, de loin pas. Cela ne dit pas ce que nous avons dans le coeur. Alors j’espère qu’on apprendra à se connaître par ce que nous sommes, avant de laisser nos préjugés parler sur nos origines ou nos faits et gestes – parce qu’autrement je suis foutu. Les prêtres sont des humains… je suis pécheur comme tous les prêtres – sûrement même un peu plus que bon nombre de mes confrères – mon caractère bien trempé n’est pas qu’une légende et si vous analysez à la loupe mes faits et gestes, je n’ai aucune chance d’être invité dans les premiers bancs de vos églises !

Alors, retrouvons la vue, chers Amis ! Ré-apprenons à voir avec le coeur, c’est le secret que donnait le Renard au Petit Prince : on ne voit bien qu’avec le coeur, parce que l’essentiel est invisible pour les yeux.

C’est aussi ce que nous disent les textes d’aujourd’hui. C’est ainsi que regarde Dieu. Il voit notre coeur, le fond profond de nos intentions et de nos pensées. Il sait très bien que nous faisons des bêtises, toutes et tous. Des fois… on ramasse des pierres qu’on devrait pas… D’autres fois on les lance sur ceux qui les ont ramassées…

Mais Dieu connaît le fond de nos pensées. Il sait bien que nous faisons le mal que nous ne voudrions pas faire. Il sait que nous ne nous résumons jamais à nos actes, heureusement, mais à ce que nous sommes profondément, chacune et chacun de nous. Et c’est ainsi qu’il nous aime, avec nos faiblesses, notre humanité.

Il nous invite à regarder avec le coeur.

C’est ce que je vous souhaite, chers Amis, entre vous, et entre nous.

Flanthey, 8 septembre 2012 ; St Maurice de Laques, 9 septembre 2012

 

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