Ouvrez les portes…-fenêtres !

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Photo : un chalet en Valais, dimanche 5 avril 2020, photo B. Voide

 

Homélie pour le 6e dimanche Carême, A

Matthieu 21,1-11

Isaïe 50,4-7 / Psaume 21(22) / Philippiens 2,6-11

Passion selon Saint Matthieu (Mt 26,14 – 27,66)

 

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Nous sommes donc confinés chez nous, nous écoutons la radio, et nous n’avons même pas le droit de sortir, pour les plus fragiles d’entre nous. Confinés portes fermées, en quelque sorte. La cage est dorée mais c’est une cage quand même.

Comme il est étrange de vivre cette fête des rameaux, ce dimanche où l’on acclame le roi de gloire, par définition à l’extérieur, aux portes de nos lieux de cultes, d’habitude, comme il fut accueilli, lui, Jésus, aux portes de la ville de Jérusalem !

Aujourd’hui, nous acclamons le roi de gloire. D’habitude on chante des Hosannas, des Sanctus, des acclamations à n’en plus finir.

Mais là, maintenant, tout de suite, comment faire ?

Eh bien d’abord il y a l’idée que j’ai vue sur internet, venue de Paris : vous prenez un linge, un bout de drap, un tissu blanc, peu importe, vous écrivez dessus « Hosanna ! » en tout gros, et vous le suspendez à votre fenêtre. Là, maintenant, faites-le !

C’est une manière de témoigner de notre joie chrétienne, et du Christ, jusque sur les balcons de nos villes.

Il n’y a pas que les applaudissements qui sont des témoignages ! Nous avons aussi, nous, les Chrétiens, un témoignage à donner en ce dimanche des rameaux.

Et puis il y a l’idée de cette petite fille tellement chou qui disait cette semaine : « Eh ben moi, dimanche, je vais prendre une feuille de papier, je vais dessiner dessus un rameau, et je vais agiter très-très fort la feuille à ma fenêtre, vers le ciel, pour saluer Jésus. »

Comment il disait, déjà ? Ah oui : « Si vous ne redevez pas comme ces petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux… »

Je l’aime bien, cette petite fille avec son stylo vert ! Alors à vos stylos, Chers Amis ! A vos crayons !

Mais dans l’immédiat je voudrais méditer avec vous cette entrée messianique de Jésus à Jérusalem. Cette entrée que nous relate Matthieu, notamment.

Comme la situation que nous vivons, cet épisode est fait de contrastes et même de paradoxes assez incroyables.

Jésus sait qu’il entre dans la ville dans laquelle il va mourir ! N’importe qui d’autre serait parti en courant. Lui, il y va. Premier paradoxe.

Et je pense à ces médecins retraités qui acceptent de revenir soigner les mourants, en ce moment. Ils ont l’âge risqué de celles et ceux à qui on interdit de sortir. Et eux ils y vont, ils passent les portes des hôpitaux comme Jésus passait les portes de la ville. Il n’y a pas de rameaux pour les accueillir, ces médecins. Et comme Jésus, ils savent que le lieu dans lequel ils entrent est mortel et qu’eux-mêmes prennent un risque fou en entrant là.

Et pourtant ils y vont.

Ce sont des « Jésus d’aujourd’hui », Chers Amis. Et j’aimerais les applaudir spécialement ce soir sur mon balcon, ces médecins retraités. Les acclamer avec mon rameau en papier, ce matin, pourquoi pas aussi.

Et il n’y a pas que ce paradoxe-là. Jésus, vous le savez, est monté sur un âne ce jour-là. Formidable retour en arrière, alors qu’il n’était que toute petite vie dans le ventre de Marie et qu’elle cheminait, elle aussi, sur un âne, vers la crèche de Bethléem.

Formidable paradoxe, aussi ! Lui, le Messie, le Roi d’Israël qu’on attendrait dans un carrosse royal, tiré par quatre chevaux, ou alors perché sur un char pharaonique, il est là, humblement, sur un petit âne. Il s’est abaissé, ne revendiquant pas du tout les apparences de la royauté, encore moins celles de la divinité. Comme le dira très bien Paul aux Philippiens, un peu plus tard…

Et là aussi, Chers Amis, le paradoxe saute aux yeux. Il est comparable à celui de notre époque.

La mort due au CoVid19 atteint tout le monde et n’importe qui. Monsieur de La Fontaine est enfoncé, dépassé avec son célèbre « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »…  ça n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Tout le monde peut y passer. Qu’on ait une villa sur la côte d’azur ou un studio en banlieue, qu’on ait un titre de noblesse ou non, qu’on ait une carte de crédit Gold ou une vieille tirelire rouillée dans laquelle quelques pièces se courent les unes après les autres, le virus s’en fout complètement, lui. Il ne fait aucune différence.

Jésus, notre roi, est un roi d’humilité, il était venu nous apprendre tout cela, pourtant…

Il était venu nous apprendre il y a deux mille ans qu’il ne faut pas s’attacher aux apparences, à la vaine gloire du monde, à tous ces titres et ces fonctions dont on nous rebat les oreilles.

Il était venu nous montrer que le roi selon Dieu n’a pas un carrosse mais un petit âne, qu’il n’a pas un palais mais une étable, qu’il n’a pas un trône mais une croix, qu’il n’a pas un manteau d’hermine mais qu’il est nu après qu’on se soit partagé ses vêtements, qu’il n’a pas une couronne sertie de rubis mais bien une couronne d’épines, qu’il n’a pas de serviteurs enfin… car c’est lui, le serviteur.

Le serviteur souffrant qu’avait si bien décrit le prophète Esaïe dans la deuxième partie de son livre… qu’ils sont actuels, les mots du prophète.

Ce serviteur dont parlait Esaïe, c’est le Christ. C’est à ce roi-là, Chers Amis, ce roi-serviteur, que nous devons ouvrir nos portes toutes grandes, plutôt que de faire des courbettes aux rois qui n’ont de pouvoir que celui de l’argent, de la gloire, de la fonction.

Bien sûr que nous devons respecter nos autorités – ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit – nous devons respecter ce qu’elles disent, ce qu’elles nous commandent. Plus encore en ce moment d’ailleurs, Chers Amis, c’est essentiel.

Et nos gouvernants aussi méritent d’être applaudis le soir au balcon.

Mais nous ne devons pas perdre de vue qu’ils n’arrivent pas au dixième du quart de la cheville de notre roi à nous, Chers Amis ! Notre roi, c’est le Messie. C’est une entrée messianique que nous célébrons en ce dimanche des rameaux.

Et pourtant c’est une entrée paradoxale, nous venons de le voir.

Et si le Christ, à l’occasion de cette pandémie que nous subissons, si le Christ faisait une entrée paradoxale dans nos vies, Chers Amis, qu’est-ce que ça donnerait ?

Si le Christ n’attendait que cela pour pousser les portes royales que nous voudrons bien lui ouvrir ?

Ne serait-ce pas le moment de fermer définitivement nos portes à la vaine gloire, à l’argent facile, à l’amour du monde, pour les ouvrir toute grandes au Christ et aux valeurs d’humilité, de simplicité qu’il porte avec lui ?

Est-ce que ce rameau qui a été dessiné par cette petite fille au stylo vert, par une main d’enfant, est-ce que ce rameau paradoxal n’est pas précisément le rameau qui convient, plutôt que de grandes branches royales de palmiers, pour notre roi d’humilité ?

Notre confinement, notre situation présente nous pousse paradoxalement à inventer de nouvelles solidarités, de nouveaux moyens de rejoindre nos prochains, et notamment nos aînés, de nouvelles manières de faire communauté. Paradoxales, certes. Mais communautés tout de même. Elle est même magnifique cette communauté réunie par la détresse, par les circonstances…

Nous sommes si nombreux ! Quel paradoxe incroyable pour ce dimanche de fête !

C’est ce roi paradoxal que nous accueillons, Chers Amis, ce roi de gloire-là qui n’a rien de la gloire du monde ! Un Messie d’humilité, un roi de douceur, un roi de tendresse, un roi de miséricorde infinie.

Pas un chef de guerre.

C’est ce roi-là auquel nous voulons ouvrir toutes grandes nos portes, Chers Amis, même si pour le moment on ouvre plutôt nos portes au livreur à qui l’on fait un sourire, mais en gardant les distances de sécurité bien sûr…

Vous l’avez bien compris, Chers Amis, celui qui a lui-même dit « Je suis la porte » nous invite à une lecture symbolique du mot « porte ».

Ce ne sont pas les portes de nos appartements que nous devons ouvrir en ce dimanche des rameaux, c’est la porte de nos cœurs que nous devons lui ouvrir de toute urgence. Ce sont ces portes-là qui doivent laisser entrer le roi de gloire, non pour qu’il vienne mourir à l’intérieur mais bien pour qu’il vienne illuminer nos cœurs de son Amour infini.

C’est cette porte-là qui mène au Christ, c’est cette porte-là que nous devons lui ouvrir.

Et Dieu sait qu’elle est parfois fermée, verrouillée, et à double-tour encore, la porte de nos cœurs.

Oui Seigneur, fais sauter les verrous de nos cœurs, enfonce les lourdes portes de nos esprits, viens y faire ta demeure, nous t’y accueillons avec joie, en brandissant nos rameaux, nos rameaux de papier peut-être, cette année, mais avec d’autant plus de joie, sans doute, avec un sourire d’autant plus attendri.

Chez nous, Chers Amis, ce n’est qu’avec une certaine crainte que nous ouvrons les portes de nos maisons, en ce moment.

Alors ouvrons les portes de nos cœurs, mais pourquoi pas aussi : ouvrons nos portes-fenêtres, celles-là ne nous font rien risquer du tout. Ouvrons les fenêtres de nos appartements, de nos maisons, c’est indispensable lorsqu’on est confinés, vos narines l’ont sûrement déjà remarqué ! Ouvrons nos portes-fenêtres pour applaudir chaque soir, bien sûr, mais ouvrons-les aussi ce matin…

Allez-y, ouvrez la fenêtre, ouvrez la porte-fenêtre, sortez sur le balcon, sur la terrasse, dans le jardin si vous avez la chance d’en avoir un.

Sortez la tête au moins, brandissez votre rameau dessiné, brandissez votre rameau, peu importe son aspect, et si c’est une petite branche ça fera l’affaire, et si c’est une fleur des champs ça va aussi, brandissez ce que vous avez sous la main, symbole de vie, et hurlez de toutes vos forces « Hosanna ! Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, Hosanna ! »

Comment ça, vous n’osez pas ? Vous croyez qu’un enfant hésiterait ? Je suis certain que la petite fille dont je vous ai parlé, avec son rameau dessiné au feutre vert, je suis bien certain qu’elle n’hésitera pas, elle.

Rappelez-vous : si nous ne redevenons pas comme ces enfants, nous n’entrerons pas dans Son Royaume.

Alors allez-y, sortez la tête, ouvrez les portes-fenêtres, et criez de tout votre cœur : « Hosanna ! Hosanna ! Vive notre Roi ! »

Je vous laisse Chers Amis… j’ai une porte-fenêtre à ouvrir, moi aussi.

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Extraits de la prédication diffusée sur Radio R, dimanche 5 avril 2020

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