Passer la bonne porte

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Homélie pour le 4e dimanche de Pâques, A

Actes 2,14a.36-41 / Psaume 22 / 1Pierre 2,20b-25 / Jean 10,1-10

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Quand j’étais petit, je ne comprenais vraiment pas l’affirmation que nous venons de ré-entendre dans l’Evangile : « Je suis la porte », une affirmation de Jésus.

Moi, Jésus, je le voyais comme un homme, peut-être avec des cheveux un peu plus longs que moi mais pas tellement finalement, le visage assez souriant.

Mais j’avais beau regarder la porte de ma chambre, je ne lui trouvais aucune ressemblance avec le Jésus que je m’imaginais.

Alors plus tard, évidemment, on m’a expliqué que c’était symbolique, que c’était une image.

Une porte, finalement, c’est un objet que nous connaissons tous, nous en avons de nombreuses autour de nous. Et c’est un meuble très utile.

Mais est-ce qu’on va jusqu’à le regarder comme quelque chose qui nous mène à Dieu, voire même comme Dieu lui-même puisque Jésus dit « je suis la porte » ?

Non, c’est une image, évidemment…

Mais c’est une image intéressante : pensons aux portes de nos transports publics qu’il faut passer le plus vite possible avant qu’elles ne se referment. Il y a d’ailleurs un signal sonore qui se fait entendre, pour nous prévenir que la porte est sur le point de se fermer, dans les trains, dans les métros.

Mais Dieu aussi nous prévient par toutes sortes de signaux lorsque nous n’avons pas encore franchi la porte de son Amour et que nous risquons de rester isolés au-dehors.

« Je suis la porte »… C’est une belle image…

Poussons l’image un petit peu plus loin…

Les normes modernes de nos entreprises, de nos lieux de travail, que nous allons – pour plusieurs d’entre nous – retrouver bientôt, les normes modernes voudraient supprimer les portes. On a fait des open spaces, comme on dit, des lieux où l’on travaille sans porte. Est-ce qu’on y est plus heureux pour autant ? Je ne suis pas sûr.

Et puis il y a ces normes modernes, aussi, qui nous forcent à revoir le sens d’ouverture des portes des lieux qui accueillent du public. Vous avez remarqué ? Elles doivent impérativement s’ouvrir vers l’extérieur, maintenant, plutôt que vers l’intérieur.

Alors on comprend l’idée, bien sûr : les gens qui doivent sortir de l’immeuble en cas d’urgence doivent n’avoir qu’à pousser pour sortir, et non pas tirer vers eux.

Mais si j’en juge par la sagesse de nos ancêtres, il y a certainement autre chose à voir là-dedans.

Parce que nos ancêtres, eux, construisaient des bâtiments avec des portes qui s’ouvraient vers l’intérieur. Et pourquoi faisaient-ils cela ? Ils avaient la sagesse des montagnards qui savent que le jour où un mètre de neige est tombé à l’extérieur, si ta porte s’ouvre vers l’extérieur eh bien elle est bloquée, et tu as l’air malin ! Tu es bon pour sortir par la fenêtre.

Un obstacle peut gêner l’ouverture d’une porte. Autant alors ne pas rester enfermé de l’autre côté de l’obstacle, c’est le bon sens même.

Bon sens que nos créateurs de normes modernes n’ont pas vraiment intégré. Parce que dans un immeuble en feu, un obstacle peut très bien tomber à l’extérieur pile devant la porte. Et on aura l’air malins, alors, de l’autre côté, avec notre porte qui s’ouvre vers l’extérieur…

Mais il y a mieux.

Nos ancêtres, pour ouvrir la porte de chez eux, devaient faire deux pas en arrière après avoir tiré la poignée.

Eh bien oui, si chez vous, vous avez une porte qui s’ouvre encore vers l’intérieur, c’est exactement ce que vous faites quand vous accueillez quelqu’un : vous tirez la poignée et vous vous reculez pour que la personne puisse entrer.

C’est une assez belle manière d’accueillir la personne qui vient de frapper ou de sonner, on lui ouvre un espace, en ayant l’humilité de se reculer soi-même.

Essayez avec une porte moderne.

C’est tout le contraire : c’est votre visiteur qui doit se tenir à deux mètres de la porte après avoir sonné, parce que de fait vous allez la lui ouvrir en pleine face.

Il y a donc de bonnes et de mauvaises manières d’utiliser les portes.

Comme il y a de bonnes et de moins bonnes manières d’utiliser Jésus.

Quand on prend en otage l’une de ses paroles pour dire aux autres : « Voilà, c’est ce que tu dois faire parce que c’est marqué comme ça dans la Bible ! » il me semble que c’est une mauvaise manière d’utiliser Jésus.

Quand au contraire on prend ses paroles comme des propositions de salut, alors on ne fait que proposer à l’autre ce que nous dit Jésus…

Et même, d’ailleurs, dans le même Evangile de Jean lorsqu’il va jusqu’à dire, un peu plus tard, « je suis la vérité », il assortit cette notion de deux autres : « Je suis le Chemin, la vérité et la Vie. »

Ça veut dire que même toute vérité est au départ un chemin qui mène à la vie.

Mais il y a un chemin à parcourir, un déplacement à opérer. On ne peut pas rester les deux pieds cloués sur place. Exactement comme pour ouvrir ou pour passer une porte.

Si vous attendez les pieds cloués au sol sans rien faire, non seulement vous n’ouvrirez pas la porte mais vous n’avez aucune chance de la passer.

Et en période de dé-confinement, cela me semble intéressant de méditer encore quelques instants là-dessus, Chers Amis.

Nous nous apprêtons à pouvoir enfin repasser des portes. Celles de nos maisons, pour sortir, celles des magasins et des restaurants pour y entrer – je reste dubitatif d’ailleurs, comme bon nombre d’entre vous, sur l’urgence qu’il y avait à ouvrir les portes d’un fast-food avant d’ouvrir celles de nos églises… mais passons.

Passons ces portes sans oublier qui est LA porte.

Toute porte que nous franchissons nous emmène vers une autre réalité.

Est-ce que nous nous munissons de Jésus pour passer dans cette autre réalité ?

Est-ce que nous passons-nous les portes de nos vies l’esprit ouvert, en nous réjouissant de ce que nous allons trouver de l’autre côté, ou de la personne que nous allons y revoir ?

Ou bien est-ce que nous utilisons les portes pour nous rassurer, bien fermées à double-tour, ou alors grandes ouvertes sur la société de consommation afin de nous précipiter à l’intérieur d’un magasin, sans avoir bien réfléchi d’ailleurs à l’utilité de cette paire de chaussures ou de ce gadget électronique qui, non, ne peuvent vraiment plus attendre d’être possédés par nous ?

Les portes de ces magasins-là sont automatiques d’ailleurs, vous avez remarqué ? Comme pour mieux nous inviter à entrer sans faire aucun effort. Sans faire l’effort de tirer ou de pousser une porte. Sans faire l’effort de réfléchir en passant la porte.

Sans même nous demander : est-ce que c’est Jésus, cette porte ? Ou est-ce que c’est une porte qui m’éloigne de lui.

Enfin, vous me direz : pour passer une porte, encore faut-il qu’elle soit ouverte. Si elle est fermée à clé, la belle affaire ! Impossible d’en franchir le seuil. Impossible, sauf si l’on possède la clé.

Mais oui ! Jésus nous donne les clés ! Lorsqu’il dit à Pierre : « Je t’ai donné les clés du Royaume des Cieux ! », il signifie par là que nous avons les clés pour passer les portes qu’il dit être lui-même, lorsqu’il affirme « Je suis la porte. »… « Je suis la porte et je t’ai donné les clés pour franchir cette porte, alors utilise-les ! »

Quand, dans notre première lecture, on se demande : « Que devons-nous faire ? », eh bien la réponse est là. Nous devons passer la porte qu’est le Christ, notre bon berger. Nous devons passer la porte de l’enclos du gardien de nos âmes, comme le disait notre deuxième lecture, la 1ère de Pierre aujourd’hui.

Nous devons passer cette porte qui est Jésus avec les clés qu’il nous a données pour la passer.

Nous devons passer cette porte, parce que de l’autre côté se trouvent des trésors d’amour, de tendresse, de joie, d’enthousiasme. De l’autre côté de cette porte – si c’est Jésus la porte – se trouve notre Salut.

Alors, chers Amis, au moment de se déconfiner, au moment de passer à nouveau des portes que nous connaissons bien, posons-nous la question : est-ce que c’est Jésus, la porte que je m’apprête à passer ? Ou alors est-ce une autre porte, une de ces portes étranges qui débouche parfois sur un mur ? Le mur de notre société de surconsommation, la porte de ces temples modernes qu’on nomme les supermarchés et qu’on a choisi de rouvrir avant les portes de nos temples à nous.

Ne retournons pas dans le mur, chers Amis. Choisissons les bonnes portes. Parce que de celles-là, nous avons les clés. Bon dimanche à tous !

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www.ab20100.ch, dimanche 3 mai 2020

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  1. Monique Conus

    Merci de votre homélie ! Je considérerai les portes avec un autre regard.
    Je prie pour vous.

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