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Homélie pour le 21e dimanche TO, année B
Josué 24,1-2a.15-17.18b / Psaume 33(34) / Ephésiens 5,21-32 / Jean 6,60-69
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis…
J’aimerais tout d’abord que vous essayiez de penser dans votre esprit à une image. Une image que nous connaissons bien dans nos montagnes, une cordée.
…Vous l’avez ?
Il y a là plusieurs alpinistes, hommes et femmes, qui s’avancent prudemment sur un glacier. Ils ont mis leurs crampons car la pente est conséquente, et ils se sont encordés.
L’intérêt de la corde qui relie tout le monde n’est pas du tout que celui qui chute entraîne toute la cordée mais bien au contraire, vous le savez bien, que la force de tous les autres permettra de retenir celui qui viendrait à dévisser.
C’est pour cela qu’on s’encorde. La corde nous rend solidaires les uns des autres.
Si l’un tombe dans une crevasse, on n’a pas le choix : soit l’on tire tous ensemble à la corde, et on le remonte, soit on abandonne et c’est la mort assurée pour toute la cordée.
C’est ainsi que nous suivons le Seigneur : plutôt mourir que d’abandonner disait très justement le livre de Josué, notre première lecture.
Mais si je vous ai demandé d’imaginer cette cordée c’est surtout pour parler de la deuxième lecture. Ce texte qui nous fait tellement mal aux oreilles à l’ère « metoo » et au temps de l’égalité revendiquée en tout point.
Notez déjà que la nouvelle traduction, celle que nous avons entendue ce matin est nettement meilleure que l’ancienne. Elle commence par « soyez soumis les uns aux autres » et non pas par « femmes, soyez soumises à vos maris » qu’on entendait il y a encore quelques années.
Heureusement qu’on a abandonné cette formulation car le texte de Paul est égalitaire, il nous demande bien d’être soumis les uns aux autres, sans distinction, hommes et femmes, à l’intérieur du couple.
Mais il reste la deuxième phrase qui vous a peut-être chatouillé au passage, Mesdames : « pour la femme, le mari est la tête ». Ça, c’est resté dans la nouvelle traduction !
Ça vous choque ? Moi, oui, hein ! Dit comme ça, sorti de son contexte, oui, hein, je vous rassure !
Est-ce que c’est mauvais d’être choqué ? Non, pas forcément… Faut-il tout plaquer dès qu’une phrase nous choque ? Certainement pas !
Cela vaut pour un livre autant que pour une relation, d’ailleurs. Pour ma part, avec les personnes que je nomme mes Amis, je parle vrai. Il arrive qu’on se heurte quand on parle vrai, qu’on se froisse entre Amis, c’est normal. Mais ce n’est pas pour cela que l’Amitié disparaît, vous en faites la même expérience, Chers Amis. Au contraire d’ailleurs, c’est une marque d’Amitié que d’être authentique avec l’autre.
Et au passage, l’Evangile que nous avons entendu juste après cette deuxième lecture nous rappelait que Jésus lui-même avait de ces phrases qui choquaient, qui heurtaient son auditoire.
Ça faisait d’ailleurs fuir certains de ses disciples, vous l’avez entendu… qui n’étaient donc pas ses Amis, par définition…
Et il dit à ses disciples, vous l’avez aussi entendu : ça vous choque ? vous voulez cesser de me suivre ? ok, allez-y, partez…
Et Pierre de répondre : mais Seigneur, ce n’est pas parce que c’est choquant qu’il faudrait pour autant s’en aller, voyons ! Tu as les paroles de la vie éternelle !
Sous-entendu : c’est pas bisounours, la vie éternelle, ça peut être des paroles de feu ! Et ce n’est pas pour cela qu’il faudrait y renoncer !
Ce qui est choquant n’est donc pas forcément mauvais. Il faut accepter d’être dérangé de nos habitudes confortables, pour suivre le Christ.
Mais pour bien comprendre, revenons à notre cordée d’il y a quelques instants, voulez-vous ? Reprenons l’image dans notre tête, vous l’avez ? Cette cordée qui chemine…
Maintenant imaginez deux secondes qu’il y ait DEUX alpinistes à la tête de la cordée…
Impossible ! Impossible, totalement exclu, n’importe quel guide de montagne vous le dira : si vous mettez deux personnes en tête de la corde, si ces deux-là chutent, elles entraînent toute la cordée. Exclu ! il n’y a jamais qu’une seule personne en tête de la corde, et pour cause : il ne peut pas y avoir deux têtes.
Or, j’aime bien voir la famille comme une cordée, personnellement. C’est une image qu’on utilisait souvent dans ma famille. Et je crois qu’il y a de cela, quand on y réfléchit un peu. Pour s’avancer ensemble sur le glacier escarpé de l’existence, on s’est encordés. On a le même nom, la même maison, le même idéal, les mêmes valeurs, c’est ça une famille et c’est ça la corde qui nous lie.
Et c’est ça qui va nous aider à comprendre l’expression de Paul : « pour la femme le mari est la tête ».
D’abord écartons une mauvaise compréhension, il ne s’agit pas de la tête qui pense.
Non, Paul n’est pas en train de dire que le mari réfléchit et que la femme exécute – je connais d’ailleurs bon nombre de couples où c’est plutôt la femme qui réfléchit, hein… mieux que le mari, pardonnez-moi !
Ce n’est pas cela, la tête selon Paul. C’est le premier de cordée, la tête de la marche. Et, dans une cordée, au passage, le premier c’est celui qui prend les plus grands risques, hein, c’est pas aisé d’être le premier de cordée, demandez à n’importe quel guide il vous le confirmera.
Dans une famille il faut un premier de cordée.
Mais reprenez l’image de votre cordée sur son glacier en montagne. Je vous ai dit qu’il y avait des hommes et des femmes… mais je ne vous ai pas précisé qui était en tête.
Toute la différence de notre époque contemporaine par rapport au monde antique dans lequel écrivait Paul, c’est bien qu’aujourd’hui une femme peut tout à fait être première de cordée, Dieu merci.
Et si Paul avait vécu aujourd’hui il aurait nécessairement ajouté une note encore plus égalitaire à ce texte. Rappelant que la femme peut aussi être la tête pour son mari, elle peut aussi être première de cordée.
Mais l’égalité, Chers Amis, ce n’est pas de faire tous exactement la même chose. Toute la cordée ne peut pas ensemble se retrouver en tête, la neige cède, automatiquement. Et ça n’aurait aucun sens de faire tous, ensemble, la même chose ! ce n’est pas ça l’égalité !
L’égalité c’est que chacun puisse jouer à son tour le rôle de l’autre. Avec ses spécificités propre.
Dans le couple, c’est un subtil équilibre qui fait que l’un ou l’autre prend le rôle de premier de cordée, alternativement, régulièrement. Mais jamais les deux en même temps, sans quoi rien ne va plus dans la cordée. Les parents qui sont ici le savent parfaitement.
Et le premier de cordée tient au reste de la cordée comme à son propre corps car ce sont précisément les autres qui vont sauver son corps s’il vient à tomber dans une crevasse.
Quand Paul dit que l’homme doit aimer sa femme comme son propre corps, vous avez mieux l’image, là… c’est le reste de la cordée qui va sauver le corps du premier de cordée, s’il tombe.
Restent encore les crampons qui aident la cordée à tenir sur son glacier.
Et ça c’est une image de la foi, je crois. C’est elle qui nous fait tenir bon.
On peut être encordés par le plus bel amour familial qui soit, ce n’est pas encore cela qui nous empêchera de glisser, c’est la foi que nous mettons en Dieu qui, en fait, est lui le véritable premier de cordée, bien sûr.
Le Seigneur qui veille sur chacun des membres de la cordée, qui veille sur chacun de nos os, comme le disait le psaume, pour toute personne qui trouve en lui son refuge.
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Les Plans sur Bex, dimanche 22 août 2021, 11.45
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