Quand la Bible heurte… il faut creuser !

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Homélie pour la Sainte Famille, année A

Siracide 3,2-14  /  Psaume 127  /  Colossiens 3,12-21 / Matthieu 2,13-15.19-23

 

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Ah… Chers Amis…

…ce verset si polémique, « Femmes, soyez soumises à vos maris ! » voilà que nous l’entendons le jour de la Sainte Famille ! C’est quand même pas piqué des vers, cette histoire-là !

C’est un verset qui énerve tellement que, parfois, il occulte tout le reste ! L’Evangile qui suit peut être magnifique… mais on ne l’entend déjà plus parce qu’on reste croché à cette phrase-là.

Vous savez, quand la Parole de Dieu nous énerve, quand elle nous agace, quand elle nous gêne aux entournures, c’est toujours intéressant !

Ce qui nous énerve, ce qui nous agace, ce qui nous gêne a peut-être quelque chose à nous dire si on veut bien creuser un peu le message. Exactement comme les prophètes : c’est ce que l’on dit de ces personnages : leur parole énervait, agaçait, et pourtant elle venait de Dieu.

Le pape François, vous le savez sûrement, a décrété l’année 2020 comme année de la Parole de Dieu, donc de la Bible. C’est l’occasion peut-être de la redécouvrir, de la relire, mais c’est aussi l’occasion de se faire expliquer ces passages difficiles que nos traductions ne rendent pas toujours bien.

Et expliquer la Parole de Dieu, surtout celle qui nous gêne, c’est notre rôle à nous, les prédicateurs.

Et concernant ce texte, c’est indispensable que je vous donne une ou deux petites clés, parce que nos traductions francophones de cette belle lettre aux Colossiens sont assez catastrophiques.

Voyez-vous, le verbe qui est utilisé par Paul, lorsqu’il dit « Femmes, soyez soumises à vos maris » n’a rien à voir avec la soumission esclavagiste que ce mot nous suggérerait en français. Encore moins avec une soumission vaguement sado-maso façon « Marquis de Sade » ou « 50 nuances de Grey », choisissez votre ouvrage. Rien à voir.

Rien à voir…

Cela voudrait plutôt dire « que chacun soit sub-ordonné à l’autre ». Et « sub-ordonné », ça ne veut pas dire « sous les ordres de l’autre », ça ce serait de l’esclavage à nouveau, mais bien plutôt complémentaire de l’autre de telle manière que chacun ait sa place.

« Vous, les femmes, soyez complémentaires de vos maris, » ce serait la traduction la plus proche que l’on pourrait effectuer en français.

Vous me direz peut-être alors qu’être un simple complément de son mari, c’est quand même un peu réducteur, Mesdames ! Et vous aurez raison. Non, complémentaire au sens de se compléter l’un l’autre, au sens d’une égalité, dont les deux termes se complètent.

Et c’est cela, un couple.

Reste que pour bien comprendre ce texte de Paul, et c’est ainsi avec toute la Bible, il ne faut surtout pas extraire un verset hors de son contexte, comme on est tenté de le faire quand un verset nous pose problème, comme celui-là par exemple.

Parce que si on continue la lecture, on voit que Paul est BEAUCOUP plus exigeant avec nous, Messieurs !

Là encore nos traductions françaises sont mauvaises. On dit que les hommes doivent « aimer » leurs épouses. C’est ce verbe « aimer » que vous avez entendu.

Mais malheureusement, en français, vous le savez, on AIME le chocolat et on AIME son mari. On AIME se balader en forêt tout comme on AIME ses enfants.

C’est le même verbe !

Notre langue pourtant tellement riche, tellement poétique, est étonnamment l’une des plus pauvres du monde lorsqu’il s’agit du verbe « aimer ». Puisque nous n’en avons qu’un seul, nous. Alors que la plupart des langues ont plusieurs verbes selon qu’on aime le chocolat ou que l’on aime son épouse ou son mari.

Forcément, « Et vous, hommes, aimez vos épouses »… si c’est comme on aime le chocolat, vous reconnaîtrez qu’il y a certainement mieux.

En grec, Chers Amis – et Paul manie fort bien cette langue dans laquelle il a écrit sa lettre aux Colossiens – en grec il y a plusieurs manières de dire le verbe aimer.

En général, pour le chocolat, autant que pour les sentiments humains amoureux, on utilise un verbe qui se dit philô.

Mais ici on a un autre verbe, un verbe qui se dit agapaô. Et ce verbe, c’est le verbe de l’amour infini, c’est le verbe de charité. C’est le verbe de l’Amour de Mère Teresa pour chaque être humain, par exemple. C’est le verbe de celui qui va jusqu’à donner sa vie pour nous.

Alors évidemment on est assez loin du chocolat !

Parce que je ne sais pas vous, mais moi je ne donnerais pas ma vie pour une plaque de chocolat. Mais pour mon épouse, si j’étais marié, oui, certainement.

Je reprends donc : aux femmes on demande d’être complémentaires, à l’égal de leur époux pour que les deux puissent être équilibrés dans le couple, aux hommes on demande d’aimer leurs épouses jusqu’à pouvoir donner leur vie pour elles.

Evidemment, quand on lit cette page de Saint Paul comme cela, ça change considérablement les choses.

Et en ce week-end où nous fêtons la Sainte Famille, je crois qu’il nous faut rechercher cette égalité, cette complémentarité entre nous. Dans nos familles aussi !

Et puis creuser l’Amour, le vrai. Se mettre pour cela à l’école de Paul, dans le bon sens. Car au début de ce texte que nous avons entendu, il nous proposait de revêtir nos coeurs de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience…

Voilà des éléments magnifiques à appliquer pendant nos fêtes !

Respectons nos familles, particulièrement en ce temps de Noël ! Nos ancêtres, nos aînés, soutenons-les comme le suggérait la première lecture, le livre de Ben Sirac le Sage.

Soutenons-les VRAIMENT, Chers Amis, plutôt que de les parquer dans des EMS ! Ce n’est pas cela, aimer nos aînés, nos ancêtres, ce n’est pas les parquer dans des lieux de survie ou dans des mouroirs. C’est continuer de les soutenir comme le disait très bien la première lecture, les soutenir dans leur grand âge.

Et ce n’est pas une option, c’est un commandement, si on relit bien les dix commandements au début de l’Ancien Testament. « Honore ton père et ta mère ! » ce n’est pas une option, c’est un commandement à mettre sur le même plan que « tu ne tueras pas ». Ce n’est pas un choix, c’est un commandement.

Donc en ce temps de fêtes, Chers Amis, pensons à honorer ceux qui sont nos ancêtres, nos parents, nos grands-parents, et pourquoi pas aussi toutes nos familles avec tous leurs descendants, c’est le temps rêvé pour cela.

Et par-dessus tout, soyons remplis d’espérance comme Joseph et Marie dans l’Evangile !

Confiants malgré la précarité de leur situation, attentifs aux signes que Dieu nous donne parfois dans les rêves. Et il en donne, faites-moi confiance ! Joseph n’est pas le seul à en avoir reçu…

Protégeons nos familles comme l’a fait le bon Saint Joseph, protégeons nos enfants, protégeons nos parents, protégeons tous ceux qui sont les nôtres et tous ceux qui appartiennent à la grande famille humaine… ça fait du monde !

Alors nous aurons compris le message de Paul, alors nous aurons fait un pas de plus pour respecter la dignité humaine, particulièrement en ce week-end où nous fêtons les familles à travers celle qui est sainte entre toutes.

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Genève, St Nicolas-de-Flüe, samedi 28 décembre 2019, 17.00 (version enregistrée)

Dans une version sensiblement différente jadis :

Chermignon d’en Haut, 28 décembre 2013, 18.30

Lens, dimanche 29 décembre 2013, 9.30

Montana-Village, 29 décembre 2013, 11.00

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