Saine grosse tête

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Photo DR : psychomedia.qc.ca
 
 

Homélie pour le 30e dimanche TO, année A

Exode 22,20-26 / Psaume 17 / 1Thessaloniciens 1,5c-10 / Matthieu 22, 34-40

Chers Amis,

Plusieurs d’entre vous le savent, j’étais notamment comédien avant d’être prêtre, jadis.

J’avais les défauts de bien des artistes, notamment la grosse tête. Je ne passais plus les double-portes, je peux vous l’assurer.

Je n’ai malheureusement pas complètement changé sur ce point. Ma tête a un peu dégonflé, certes, ce ne sont que les portes simples que je ne passe plus, maintenant, selon mes amis. Les double-portes ça va mieux !

Reste que ce défaut me fait souvent réfléchir. Notamment au fait qu’une saine estime de soi est importante, vous savez !

Je me suis toujours élevé contre cette étrange coutume chrétienne qui voudrait que, si l’on est un bon religieux, on se dénigre complètement soi-même, jusqu’à son habillement, qu’on ne fasse surtout pas cas des dons que Dieu nous a offerts, qu’on s’efface totalement devant Lui.

CE N’EST PAS CE QUE DIEU VEUT, JAMAIS !

Et l’Evangile d’aujourd’hui nous le redisait.

Quel est le grand commandement, demande-t-on à Jésus…

Aime le Seigneur ton Dieu, et aime ton prochain comme toi-même.

Aimer le Seigneur, ça va. On l’aime bien, Dieu. Bon, OK, de temps en temps on est un petit peu en pétard avec lui suivant les circonstances de nos vies, mais en gros on peut dire qu’on l’aime bien, non ?

Aimer notre prochain, ça aussi, ça va. Des campagnes de Caritas au livre de l’Exode de ce matin, on nous rappelle régulièrement l’importance du partage avec l’immigré, avec le pauvre, avec la veuve et l’orphelin. Et on n’est pas des monstres, on partage.

Dans la deuxième lecture, Paul le disait aussi à sa manière d’ailleurs, lorsqu’il remerciait de l’accueil dont il avait bénéficié, lui l’étranger, dans la communauté de Thessalonique.

Aimer Dieu, ça va. Aimer notre prochain, ça va. Mais Paul parlait d’aimer Dieu EN VERITE. Serait-ce qu’il manque un troisième élément à ces deux premiers ? Oui, car Jésus n’arrête pas sa phrase à « Aime le Seigneur ton Dieu et aime ton prochain ». Ça, on sait faire.

Il nous dit « Aime ton prochain COMME toi-même ». Et là, problème ! Il faut s’aimer soi-même ! Sacrilège ! Narcissisme !

Si vous complimentez le Chrétien lambda de chez nous, il prendra son air de Tartuffe le plus compassé pour vous dire :

– [à la Tartuffe] Oh vous savez, c’est peu de choses… Oh vous savez ce n’est pas à moi qu’en revient le mérite… Oh pas trop de compliments, vous savez, je n’y suis pour rien

J’en connais des comme ça. Quand vous leur faites des compliments, s’ils pouvaient prendre une pelle pour creuser le sol et s’enfouir sous vos pieds, ils le feraient. Et c’est fréquent chez les prêtres. J’ai même un confrère, chaque fois qu’on lui fait un compliment – du style merci pour votre excellente homélie d’aujourd’hui – il répond « Satan me l’a déjà dit. »

Quelle violence dans cette réponse ! Comme si le moindre compliment nous entraînerait au péché. C’est absurde !

Eh bien non, chers Amis, c’est l’inverse. L’humilité démesurée, le fait de refuser systématiquement les compliments, de se dénigrer soi-même, ça c’est un péché. Et tout aussi grave que l’orgueil. D’autant plus grave peut-être qu’il est bien plus vicieux, il se cache derrière la vertu d’humilité, il avance déguisé celui-là…

Donc Jésus nous dit ce ‘comme toi-même‘ que nous avons tendance à oublier. Il s’agit d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Ce qui veut dire que celui qui se dénigre aura aussi tendance à dénigrer son prochain, eh oui.

Aime ton prochain COMME toi-même. Ce n’est pas qu’une jolie formule, c’est – dit Jésus – le plus grand, le plus essentiel des commandements. Semblable au premier, dit-il même, c’est-à-dire semblable à « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ». Aimer Dieu, c’est aimer son prochain comme soi-même, donc.

Ça veut dire : si tu apprécies les dons que Dieu a mis en toi, si tu sais accueillir les compliments sans choper pour autant la grosse tête mais sans non plus te dénigrer, si tu connais ta propre valeur… alors, et alors seulement, tu pourras apprécier les dons que Dieu a mis en l’autre, tu pourras complimenter l’autre et t’émerveiller devant lui, tu pourras aimer l’autre tel qu’il est.

Sans quoi tu risques de rabaisser l’autre autant que tu te rabaisses toi-même.

J’ai côtoyé quelques stars dans ma vie de comédien, et je peux vous dire que je me méfie beaucoup des stars à très grosse tête. Mais je me méfie davantage encore des gens qui se dénigrent systématiquement.

Et chez les Chrétiens, la deuxième catégorie est beaucoup plus fréquente. Et chez les Chrétiens SUISSES encore plus. Parce que c’est très suisse, la modestie poussée à l’extrême.

Ah, belle maison, décorée avec goût, bravo !

Faut pas trop que ça se voie, vous savez… Les gens vont jaser, autrement.

…ça vous parle ?…

Joli costume, dites-moi !

Oh je n’ose jamais le mettre, vous savez, c’est trop tape-à-l’oeil.

Non mais vous croyez quoi ? Que notre Dieu préfère amplement nous voir en vieux chandail rapiécé qu’en joli costume du dimanche ? Mais au secours ! Heureusement ça existe encore les gens qui s’habillent bien le dimanche.

Dieu aime la beauté. La bonté. Il nous aime avec tous nos défauts mais aussi avec toutes les extraordinaires qualités qu’il a mises en chacun de nous !

Alors de grâce, chers Amis, ayons une juste et saine estime de nous-mêmes.

Oui, nous sommes des gens extraordinaires. Ça n’existe pas les gens ordinaires, dans la vision chrétienne. Pour Dieu, chacun est unique. Nous sommes donc tous extra-ordinaires, puisque chacun de nous est unique. Qui plus est, Dieu nous a faits à son image, c’est quand même pas rien, ça ! Se dénigrer soi-même, c’est dénigrer l’image de Dieu que nous sommes, eh oui. C’est blesser Dieu, par conséquent.

Dieu nous demande qu’on s’aime soi-même, même si ce n’est pas simple, qu’on s’accepte tels que nous sommes, parce que c’est à ce prix, et à ce prix seulement, que nous pouvons aimer notre prochain à sa juste valeur.

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Evolène, samedi 25 octobre, 19.30

Hérémence, dimanche 26 octobre, 9.00

Lannaz, dimanche 26 octobre, 10.30

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