Saint Ture et Saint Col (Romain)

Photomontage : Vincent Lafargue

 

Homélie pour la Solennité des SAINTS PIERRE ET PAUL

Actes 12,1-11 / Psaume 33 / Timothée 4,6-18 / Matthieu 16,13-19

 

Chers Amis,

Tout récemment, on m’a proposé de porter la soutane…

La personne en question est un fan du père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, vous savez ce prêtre vivant à Marseille qui porte la soutane.

Et régulièrement j’ai des remarques, des questions, des suggestions concernant mon habillement et tout spécialement les marques visibles ou non de ma prêtritude.

Enfin je ne suis pas bien sûr que ça se dise, prêtritude, mais bon…

– Pourquoi tu ne portes pas le col romain ?

– Pourquoi tu portes le col romain ? (oui ça m’arrive aussi, notamment à l’étranger)

– Pourquoi tu as mis une croix comme alliance à ton doigt ?

– Pourquoi tu mets une cravate ?

– On ne voit pas que tu es prêtre avec ta petite croix au veston, c’est trop petit !

C’est le genre de phrases que disent ceux qui n’ont rien d’autre à dire à un prêtre…

Eh oui, quand on n’a rien de plus intelligent à dire, on parle habillement. Les discussions sur la mode, c’est le stade juste avant de parler météo.

Si l’Eglise universelle reste prudente à ce sujet, si elle ne dogmatise pas forcément un uniforme précis pour les prêtres, en-dehors des célébrations, ce n’est certainement pas au hasard.

Il y a autant de styles de prêtres différents qu’il existe de prêtres dans le monde. C’est-à-dire un peu plus de 400’000 environ, actuellement.

Reste que le prêtre doit être reconnaissable. Là je suis d’accord. Mais dans nos villages et dans nos vallées, ce n’est pas tout à fait comme en ville ou une marque très visible et typique est souvent nécessaire dans l’anonymat général.

Un ancien évêque de Sion, Mgr Adam avait une belle réponse lorsqu’on lui demandait à quel signe visible nos prêtres devaient êtres reconnaissables par tous. Il disait qu’un prêtre doit en effet avoir un signe distinctif. Et ce signe, ce devrait être avant tout la charité qu’il porte à chacune des personnes qui lui sont confiées.

Il y a quelques années en arrière, un groupe assez puissant dans l’Eglise a voulu faire pression sur Benoît XVI pour qu’il nomme le saint curé d’Ars, Jean-Marie Vianney, patron de tous les prêtres du monde, lui qui est déjà le protecteur des curés.

Et Benoît XVI, très sagement, y a renoncé. En expliquant que le patron de tous les prêtres, c’est d’abord le Christ, le grand prêtre, et qu’ensuite il y a tant de prêtres différents, de styles différents, qu’il ne peut y avoir un seul modèle purement terrestre pour eux. Intéressant.

Aujourd’hui nous célébrons la solennité des Saints Pierre et Paul. Et en France, comme dans plusieurs pays, c’est la date des ordinations sacerdotales, le week-end où l’on ordonne de nouveaux prêtres.

Cette date est intéressante aussi pour cela. On aurait pu choisir une des innombrables fêtes commémorant UN seul Saint, on a choisi cette date qui parle à la fois de St Pierre et de St Paul.

Parce qu’il y a des prêtres tout en muscles comme Pierre, le pêcheur du lac de Tibériade, et puis il y a des prêtres tout en intelligence, comme Paul, l’Apôtre des Nations.

…ok, il y en a sûrement qui ont les deux. …et il y en a aussi, comme moi, qui ne sont ni intellos, ni musclés. Ils ont sûrement d’autres qualités, ne vous inquiétez pas.

Et ce n’est pas l’habit qui fait ces moines-là. Pierre et Paul ne portaient ni le col romain ni la cravate ni la soutane. Jésus non plus. D’ailleurs, est-ce qu’on parle de col romain ou de soutane, dans les textes d’aujourd’hui ?

Dans la première lecture, l’ange demande à Pierre de s’habiller pour la route : « Mets ta ceinture et tes sandales, dit-il, mets ton manteau et suis-moi. »

C’est assez léger comme détail vestimentaire.

Et Pierre remarque, en fin de texte, que l’important n’était pas tellement son habillement mais bien l’ange du Seigneur qui l’accompagnait. C’est ça qui lui a permis de faire des miracles. Pas tellement son habillement. Peu importe l’habit, du moment qu’on a le Seigneur avec nous !

Quant à Paul, dans la seconde lecture, il parle de la force que le Seigneur a mise en lui. Bien plus qu’un vêtement, ce qui compte c’est ce qui se trouve dans le coeur.

Enfin, dans l’Evangile, le Seigneur ne donne pas des gants rouges, un costard cravate, une mitre ou une soutane comme signe distinctif de son Eglise. Il dit à Simon « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. ».

C’est-à-dire : tu es un caillou. Peu importe que tu aies mis un noeud papillon ou des lunettes de ski, toi tu es un caillou, et c’est sur ce caillou, sur toi, Pierre que je veux construire mon Eglise !

Sur toi et sur tous tes défauts, sur ce coeur généreux et sur ce reniement que tu prononceras contre moi, sur ta fougue et sur tes paroles trop vite dites.

Le Seigneur construit son Eglise sur de nombreuses pierres vivantes. Les prêtres en sont quelques-unes, et vous en êtes beaucoup d’autres, de ces pierres, chers Amis.

Chacun de vous a sa place dans le grand édifice qu’est l’Eglise, chacun de vous est une pierre de cette Eglise. Le Christ construit son Eglise sur chacun de vous. Il compte sur chacun de vous.

Regardez les pierres d’un château fort ou d’un palais. Beaucoup se ressemblent mais si vous y regardez de plus près, pas une seule est identique à une autre. Toutes ont leur rugosité, leurs aspérités, leurs petits défauts, chacune a sa solidité à elle. Mais elles tiennent ensemble parce qu’on les a placées ainsi.

Votre marque de fabrique, votre signe distinctif, c’est l’amour que vous avez les uns pour les autres. C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes les disciples du Christ, il l’a dit.

Alors peu importe que vos prêtres soient en soutane, en col blanc, en cravate avec une petite croix au veston ou une grande suspendue à leur cou, peu importe.

Nous ne fêtons pas St-Ture et St-Col aujourd’hui, mais St Pierre et St Paul, deux visages de cette Eglise aux mille visages. Leur signe distinctif, c’est qu’ils ont tout donné à la suite du Christ. Comme vos prêtres essaient de le faire.

Alors faites-moi plaisir, chers Amis. Ne tombez pas vous aussi dans le travers de la mode ecclésiastique. La prochaine fois que vous voyez un prêtre, priez pour lui, plutôt que de regarder comment il est habillé. Dites-lui qu’on a besoin de lui plutôt que de lui demander pourquoi il porte ou non un col romain.

Pendant le silence qui va suivre, je vous propose de prier pour nos prêtres d’ici et pour tous les nouveaux prêtres qui sont ordonnés ce week-end de par le monde.

___________________________________________

Flanthey, samedi 28 juin 2014, 17.00

St Maurice de Laques, dim. 29 juin 2014, 10.30