Shma’, Yisraël…

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Homélie pour le 31e dimanche du temps ordinaire, année B

Deutéronome 6,2-6 / Psaume 118 / Hébreux 7,23-28 / Marc 12,28b-34

Chers Amis,

J’ai un merveilleux confrère qui est tout le contraire de moi tant il est gentil. Je pense que si vous lui donnez un coup de pied dans les tibias, il vous demandera si vous ne vous êtes pas fait mal. Une des très rares choses qui peuvent l’énerver, lui qui dirige le séminaire valaisan où étudient les futurs prêtres, c’est quand on lui demande :

– Alors, vous êtes encore combien, au séminaire ?

Sa réponse est toujours la même :

– Nous essayons d’être UN.

En cela il a parfaitement intégré les textes de ce week-end.

D’abord la lettre aux Hébreux qui nous expliquait qu’avant, un grand nombre de prêtres se sont succédé au Temple, mais que maintenant il y a un seul Grand-Prêtre, éternellement, le Christ. Et aujourd’hui c’est pareil, c’est le Christ qui préside nos Eucharisties et nous essayons d’être UN avec lui, c’est pour cela que nous ici ce soir/ce matin.

Ensuite et surtout l’un des plus beaux textes de l’Ancien Testament, ce passage du Deutéronome que nos frères et soeurs de religion juive répètent chaque matin et chaque soir. Et que donc Jésus répétait lui aussi tous les jours, on a un peu tendance à oublier qu’il était juif, nous autres les chrétiens.

Ce passage du Deutéronome que nous avons ré-entendu en première lecture et qui dit :

« Ecoute Israël, le Seigneur ton Dieu est UN. »

En hébreu c’est tellement beau :

 » SHMa’ YiSRaëL, aDoNaï éLoéiNou aDoNaï é’HaD « 

Certaines de nos Bibles traduisent par l’unique, d’autres par UN. Et en fait l’expression hébraïque utilisée ici est difficile à traduire car elle peut signifier les deux. Le Seigneur est le Seigneur UN, ou l’unique Seigneur.

Notre Seigneur est à la fois l’Unique et à la fois UN, dans le sens qu’il est unifié, qu’il est le tout.

Et puis le Deutéronome ajoute : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. »

Et alors là il nous faut faire un peu d’hébreu pour bien comprendre ce que cela veut dire, parce qu’en français les mêmes mots n’ont pas du tout le même sens.

Le coeur, dans le langage hébreu, c’est l’ordinateur central, le cerveau, le lieu de l’intelligence.

[montrant le front] Pour nous, c’est ici.

L’âme, pour un hébraïsant, c’est le souffle vivant, ce qui sort de notre bouche et de nos narines.

[montrant nez et bouche] Pour nous, c’est donc ici.

Enfin la force, en hébreu, c’est tout nos sentiments, notre courage, notre détermination, notre passion, en gros tout ce que nous avons dans le coeur. L’Amour aussi.

[montrant le coeur] Pour nous, c’est là.

[refaisant les trois gestes] Le coeur… l’âme… la force.

Ça ne vous rappelle rien…?

Peut-être tracez-vous trois croix, au moment de l’Evangile, sur votre front, votre bouche et votre coeur sans savoir exactement ce que vous faites… Regardez :

[refaisant les gestes] Tu aimeras le Seigneur – et sa parole – de toute ton intelligence, de tout ce qui sortira de ta bouche, de toute ta passion, de tout ton Amour.

Quand nous faisons les trois croix, avant d’entendre l’Evangile, nous disons « Gloire à toi Seigneur », nous reconnaissons qu’il est notre Seigneur, notre Dieu, et que la parole que nous allons entendre vient de lui.

Mais nous pouvons aussi nous dire, dans notre coeur :

Mon Seigneur et mon Dieu, que ta parole soit…

[refaisant les gestes] :

…dans mon intelligence pour que je la comprenne toujours mieux…

…sur mes lèvres pour que je puisse la redire autour de moi et annoncer ton règne…

…dans mon coeur pour que je la conserve passionnément, à tout jamais…

Vous y penserez, désormais…

Tout cela, c’est dans le Deutéronome, chapitre 6, versets 4 et 5. Ce que chaque Juif répète tous les jours de sa vie.

Mais si vous avez bien écouté l’Evangile, quand le scribe demande à Jésus de lui dire le plus grand des commandements, Jésus redit ce passage en ajoutant deux choses.

Ah, évidemment, il faut avoir l’oreille attentive, hein…

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force… »

Ce n’est jamais innocent quand la Bible répète quelque chose en le modifiant légèrement. A fortiori, si c’est Jésus qui le fait il doit y avoir une raison !

On peut penser que Marc et Luc ont ajouté la mention « de tout ton esprit » pour bien faire comprendre à leurs lecteurs – qui ne connaissent pas l’hébreu puisqu’ils sont romains pour Marc et grecs pour Luc – qu’il s’agit de l’intelligence et de l’élocution, quand on parle du coeur et de l’esprit.

Mais on peut aussi imaginer que Jésus a vraiment ajouté ce terme. Et se rappeler, par exemple, qu’il est venu nous offrir l’Esprit Saint. Un tout petit détail en plus.

D’où notre devoir de prendre soin de l’Esprit qui est en nous, et d’aimer Dieu aussi par cet Esprit qui vient de Lui.

Et puis Jésus ajoute aussi autre chose : « et tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Aimer son prochain, ça, on voit assez comment le faire. Caritas, Amnesty et tous les autres nous l’expliquent à longueur d’année qu’il faut partager, être solidaire avec notre prochain, OK. Mais Jésus n’a pas dit « et tu aimeras ton prochain, punkt schluss. »

Il a dit « et tu aimeras ton prochain COMME TOI-MÊME ! » Ça veut dire : « Prends soin de TOI aussi, fais attention à ton attitude, à tes pensées, à ton apparence. Aime le calme et le silence, la belle musique, les belles choses et les bons sentiments. Parce que c’est comme cela que tu vas aimer l’autre.

Si ton coeur n’est que tempête, mauvais sentiments, si ta journée n’est que bruit, agitation vaine, colères, si tes mots ou ton apparence sont sales, sale aussi sera ta manière d’aimer ton prochain. Ainsi sera ta relation aux autres.

Comme nous devrions penser plus souvent à la seconde partie du commandement de Jésus… Aime ton prochain comme toi-même

Voilà chers Amis. Pour résumer tout cela, vous trouverez à la sortie de cette messe une feuille avec ces quelques explications, à ramener chez vous, à mettre dans votre Bible, par exemple. Ça vous fera une bonne occasion de l’ouvrir !

Et puis je vous ai écrit en hébreu – mais avec la prononciation en français – le plus grand de tous les commandements. On peut essayer de le dire ensemble pour terminer :

Ecoute Israël… SHMa YiSRaëL…

Le Seigneur notre Dieu… aDoNaï éloHéiNou…

Est le Seigneur UN… aDoNaï eCHaD…

Et voilà, vous savez l’hébreu ! Du moins la phrase la plus importante.

Alors si on vous demande, comme à mon cher confrère Pym, combien vous êtes en famille, vous pourrez répondre vous aussi : « Nous essayons d’être UN. ».

Feuillet distribué :

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Chermignon d’en Haut, 3 novembre 2012, 18.30

Lens, 4 novembre 2012, 9.30

Nyon, messe des jeunes, 4 novembre 2012, 19.00 (texte adapté)

Lens, home du Christ-Roi, 5 novembre 2012, 16.00 (texte adapté, sans feuillet)

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3 Responses

  1. Bémelmans Emile

    merci pour cette leçon d’hébreu et de lecture de la parole de Dieu
    Emile

  2. Caroline Cohen Reuver

    Oui, merci! Cela aurait été encore plus beau si vous aviez parlé de « Premier Testament » au lieu de « Ancien Testament » et si vous aviez traduit le Shemah:
    « Ecoute, Israël, le Seigneur EST notre Dieu, le Seigneur EST un »

    • ab20100

      Oh comme vous avez raison, Caroline ! MERCI de votre remarque sur celui qui EST, fondamentalement, et sur la Première des Alliances qu’Il fit avec Son peuple ! Je me corrigerai pour la suite 😉

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