The Father

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Photo DR : sortiraparis.com

 

Drame de Florian Zeller

Avec Anthony Hopkins, Olivia Colman, Mark Gatiss

Sortie française le 26 mai 2021

 

Une immense baffe

“The Father” (« Le père ») m’est apparu comme une gigantesque baffe dont on peine à se sortir au fur et à mesure que le générique défile. Signe de cela : aucun des spectateurs de la salle, lors de la séance que j’ai suivie, n’est sorti pendant le générique final. Nous avons tous eu besoin que la lumière revienne et peu à peu nous sommes sortis de notre état de sidération. Nous avons tous un père, une mère. Et pour ceux d’entre nous dont l’un des parents est encore en vie, ou les deux, il est absolument impossible de ne pas se projeter dans l’histoire de ce père (Anthony Hopkins) qui, à 81 ans, voit sa raison peu à peu l’abandonner sous le regard et les soins aimants de sa fille (Olivia Colman).

Maître Zeller

Florian Zeller, à l’écriture et à la réalisation, signe l’un des chefs d’oeuvres auxquels il nous a désormais habitués au théâtre. Le film est d’ailleurs adapté de sa pièce. Mais ce premier passage de Florian Zeller au 7e art est un coup de maître. D’abord pour ceci, de tout à fait inhabituel : lorsqu’on adapte une pièce au cinéma, on en profite, en général, pour « sortir », réaliser des plans qui vont casser l’effet de huis-clos, imaginer un début d’histoire en-dehors du salon (« La vie de chantier » de Dany Boon fonctionne ainsi, par exemple)… mais là, non ! Florian Zeller le dit volontiers, il a voulu que l’appartement soit l’un des personnages principaux du film et on est donc en quasi huis-clos. Voire même en huis-clos du huis-clos car on remarque assez rapidement que, sous couvert de nous balader dans l’appartement, le metteur en scène nous balade en réalité aussi dans la tête d’Anthony – puisque le héros de ce film porte le prénom de l’acteur qui l’incarne.

Récompenses à gogo

L’oscar du meilleur scénario adapté est revenu à Florian Zeller, c’est mérité. Celui du meilleur acteur à Anthony Hopkins, c’est totalement légitime. Les deux mêmes récompenses ont été décernées aux BAFTA. Anthony Hopkins livre une performance absolue dans ce film : il eut été facile de surjouer, de sonner faux dans ce type de personnage. Rien n’est faux, pas une larme ne fait artificielle, pas un silence n’est trop long ou trop court, pas un souffle n’est là par hasard, tout est juste. Et ce n’est pas un hasard : Florian Zeller avait écrit sa pièce de théâtre en pensant à Anthony Hopkins – raison pour laquelle le film est en anglais d’ailleurs. Un bémol pour la post-production française dont la synchronisation laisse parfois vraiment à désirer, et comme les plans sont très resserrés sur les visages, ça ne pardonne pas.

Ombres et lumières

A la lumière, Ben Smithard joue avec les ombres. Pour celui qui est aussi directeur de la photo sur « Downtown Abbey », aucune surprise de frôler le génie, il nous y a habitués là encore. Une subtile allégorie que cette lumière qui se fait ou non dans la mémoire d’Anthony tout comme elle joue avec les ombres sur les visages, les meubles, les diverses scènes. Le visage d’Anthony est d’ailleurs très régulièrement partagé entre ombre et lumière, comme l’est son esprit et sa mémoire. Les scènes finales réservent des surprises de lumière qui, pour l’esprit chrétien, disent quelque chose de la lumière éternelle vers laquelle nous allons tous.

Regard chrétien et 4e commandement

Le regard chrétien est d’abord celui, très actuel, de la réflexion autour de la fin de vie et de l’entourage des personnes qui la vivent. Non, un être ne devient pas moins digne plus il avance vers la mort, oui il mérite d’être accompagné avec tout l’amour du monde. Sans jamais céder à la polémique, Florian Zeller réussit à nous suggérer toutes les questions qui entourent le débat sur la fin de vie tout en choisissant de n’emprunter explicitement aucune des voies possibles pour laisser le débat se concentrer autour de ce seul élément : l’amour avec lequel on est accompagné est essentiel. Le 4e commandement – Honore ton père et ta mère – est magnifiquement incarné par Olivia Colman qui aurait mérité une récompense pour son jeu tout en nuances. Là encore, il aurait été facile de tomber dans le pathos, ce qu’elle évite soigneusement. Le lien père-fille et fille-père est alors transcendé par ce qui est invisible entre eux et pourtant criant à chaque scène : l’amour.

A voir de toute urgence dans une belle salle de cinéma !

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