Trois tantes à Sion

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Homélie pour le 1er dimanche de Carême, C

Deutéronome 26,4-10 / Psaume 10, 8-13 / Romains 10, 8, 10-13 / Luc 4, 1-13

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Chers Amis,

Il y a des gens qui ont des cousins à Martigny, des oncles à Sierre, et des tantes à Sion… (je vous laisse quelques secondes…)

Et ce sont des tentations que nous allons parler, effectivement. Celles de Jésus, et les nôtres. J’aime beaucoup le récit des tentations que nous venons de ré-entendre, parce qu’il est proche de nous.

Ce passage d’Evangile montre le côté inouï de notre foi : Dieu s’est incarné. Il est devenu l’un de nous, il s’est fait proche de nous au point d’être l’un de nous, et d’être lui aussi tenté par le démon, comme nous.

Pensons-y un instant, c’est loin d’être un détail, chers Amis. Des musulmans, des juifs, des hindouistes ou des bouddhistes ne pourraient absolument pas accepter ni même entendre pareille chose : Dieu lui-même tenté par le mal, c’est impensable pour d’autres religions. Pas pour nous, puisqu’il s’est fait l’un de nous.

Cet épisode vient donc, avant tout, nous peindre notre propre tableau. Nos tentations à nous. Les trois que propose l’Ange Noir à Jésus nous sont bien connues :

• Le pouvoir de changer des pierres en pain… Vous me direz : « C’est quand même pas tous les jours qu’on a envie de changer des pierres en pain ! » Bien sûr, c’est symbolique : le pouvoir de changer la nature des objets, la tentation de changer la réalité, d’avoir ce que nous n’avons pas. Mais ça nous est tellement connu que nous voyons ça tous les jours, chers Amis : c’est le principe même de la publicité ! On vous montre ce que vous n’avez pas et on vous persuade qu’il vous le faut absolument ! C’est ça, la publicité, c’est une tentation parmi d’autres… On vous persuade même bien souvent que vous serez plus heureux avec cette chose que vous n’avez pas encore.

 

• Deuxième tentation du démon : la gloire… Oh celle-là on la connaît bien aussi ! La gloire des royaumes, dit le Diable. Mais cette gloire-là, elle vomit de nos petits écrans, de nos magazines, de nos manchettes de journaux ! La gloire du tentateur, c’est celle du monde… et pourtant, Dieu sait que les gens célèbres ne sont pas les plus heureux ! Mais nous sommes tentés par cette gloire, ne serait-ce que par connaître ce qu’ils font de leur vie, c’est une petite tentation parmi d’autres…

 

• Troisième tentation que propose le démon, le pouvoir d’être immortel ou du moins invincible. Vous l’avez entendu : « Jette-toi du haut du temple ! » Mais c’est une tentation que nous connaissons très bien ! Non pas que vous allez tous monter sur le toit de la chapelle et vous jeter en bas, pas du tout. Mais c’est une tentation que nous connaissons bien, nous aimerions bien être immortels. Nous aimerions bien que la vie ne s’arrête pas à la mort de chacun de nous. Nous aimerions bien, parfois…

 

Alors réfléchissons ensemble à ces trois tentations, si vous le voulez bien.

Changer les pierres en pain, c’est-à-dire ne pas se contenter des choses telles qu’elles sont, vouloir avoir ce que nous n’aurons jamais…

Un célèbre humoriste français écrivait, dans son autobiographie il y a quelques années que le bonheur c’est probablement d’arriver à se passer de ce que l’on n’a pas, de ce que l’on n’a plus et de ce qu’on n’aura jamais.

Je crois que cet homme a trouvé une grande sagesse en disant cela… « Le bonheur c’est d’arriver à se passer de ce que l’on n’a pas, de ce que l’on n’a plus et de ce qu’on n’aura jamais.»

Cette phrase prend une couleur toute particulière quand je vous aurai dit qu’il a écrit ce livre juste après avoir perdu tragiquement son fils. Arriver à écrire cela dans des moments pareils d’une vie, c’est grand !

Deuxième tentation : la gloire. Mais bien sûr qu’on veut tous la gloire, chers Amis ! Pas seulement celle des magazines ! Quelque part au fond de nous, il y a un petit personnage qui aime la gloire, même si on s’en défend ! Pas besoin d’être un ancien comédien comme moi pour le savoir !

Qui de nous n’a jamais frémi lorsqu’un jour on vous a applaudit ? Lors d’un concert, lors d’un discours de mariage, lors d’un événement ou autre de votre famille … Ça fait du bien d’être applaudi ! Ça caresse l’égo dans le sens du poil. Et la particularité de cette tentation c’est qu’elle est justement très… humaine ! Elle est très normale, elle est inscrite en nous…

Ils me font rire ceux qui viennent me dire « oh non, moi vous savez, les honneurs, c’est pas pour moi, les applaudissements ça me monte à la tête »… Mais BIEN SÛR que NON ! Ça nous fait plaisir, c’est normal. Ça serait plus grave de les refuser, d’ailleurs, quand ils sont mérités.

Mais c’est pas ça que le tentateur met à l’épreuve, en nous. C’est plus profond. C’est le fait de RECHERCHER abusivement cela. Et c’est là qu’est le problème, quand on recherche abusivement la gloire. L’Ange Noir nous joue Secret Story dans cette affaire-là.

J’ai eu le privilège il y a quelques années de rencontrer Soeur Emmanuelle, qui est avec le Seigneur, maintenant.

Elle me disait, et c’est une phrase qu’elle a redit régulièrement dans les médias, elle me disait : « Tu vois mon petit Vincent, il m’est arrivé un grand malheur : je suis devenue médiatique. » J’ai ri, mais elle ne riait pas du tout, elle était très sérieuse : c’était un grand malheur pour elle d’être connue.

Ecoutez les saints et les bienheureux, même si elle ne l’est pas encore ce n’est qu’une question de temps. Ces gens nous donnent beaucoup d’enseignements pour notre vie de tous les jours.

Enfin la dernière tentation, le fameux : jette-toi en-bas du temple. Qui n’a jamais utilisé, parmi vous, les parents, les grands-parents, qui n’a jamais utilisé cet exemple avec des enfants : « Et s’il te demande de te jeter à l’eau, tu le suivra encore ? Alors, arrête de faire tout ce qu’il te dit, ce copain ! ». C’est un exemple courant…

Le tentateur se fait très souvent copain. Non pas qu’il passe au travers de nos copains, pas forcément. Mais il se fait très souvent proche de nous de cette manière-là : « Allez, jette-toi en bas ! ‘Pas si grave ! Les anges te porteront, de toutes façons ! » (C’est ce qu’il dit à Jésus). Le suivre ? Ce serait se croire plus fort qu’on ne l’est, se croire tout puissant comme Dieu. C’est la tentation suprême. C’est celle à laquelle ont succombé Adam et Eve.

Au début du Carême, chers Amis, il n’est pas inutile de le rappeler. Ne nous croyons pas tout puissants ! ne programmons pas des jeûnes impossibles à tenir, par exemple. Ne décidons pas de très bonnes, de trop bonnes résolutions qu’on ne tiendra pas – on le sait ! – lors même qu’on n’a pas été capables de tenir celles que nous avons prises il y a 55 jours, le 1er janvier !

Restons humains. Avançons à petits pas dans le Carême. Mettons un sou de côté chaque semaine, plutôt que d’en prévoir cent à la fin du mois. Mangeons un peu moins, chaque jour, plutôt que de supprimer d’emblée des repas entiers. Apprenons à sourire aux gens que nous croisons dans le village, avant de prévoir d’envoyer un chèque à des gens que nous ne verrons de toutes façons jamais !

La charité commence autour de nous, et par de tout petits pas. Si vous arrivez à jeûner une semaine entière, comme font certains, gloire à vous ! Si vous faites un chèque à la chaîne du bonheur, grand bien vous fasse ! Mais commençons léger, c’est ainsi qu’on arrive à progresser.

C’est ainsi aussi qu’on peut éviter les pièges de l’Ange Noir. Parce que Jésus, dans cet épisode, se marre lorsque le Diable lui propose ces trois tentations.

Il répond – vous pourrez aller voir dans vos Bibles – il répond par la parole de Dieu, il ne répond pas de lui-même. C’est le piège classique de l’Ange Noir : il veut qu’on lui réponde ! Et Jésus ne lui répond pas, il cite la Bible, c’est tout… « Il est écrit… » Il répond par trois citations du Deutéronome, que nous avions d’ailleurs, ce texte, en première lecture, et c’est pas un hasard.

Jésus se marre parce que le Diable, une fois de plus, est complètement à côté de la plaque. Il lui propose trois choses qu’il a déjà…

Changer les pierres en pain… Mais Jésus change le pain en son propre corps ! Et nous avons aussi cela : à chaque Eucharistie, chers Amis !

Puis il lui propose de posséder tous les royaumes de la terre… mais Jésus possède le royaume des cieux. Et il ne tient qu’à nous de le construire aussi, chez nous. Nous avons aussi cela.

Enfin : survivre à une chute du haut du temple… mais Jésus va ressusciter d’une crucifixion. Et il nous offre, à nous, la vie éternelle. Quand nous aimerions bien ne pas mourir, nous oublions que nous continuons de vivre, là-haut. Nous avons déjà ce que nous propose le Tentateur, et bien mieux !

Jésus se marre, donc, probablement, à l’intérieur de lui-même. Et nous aussi, chers Amis : quand la petite voix du tentateur se fait entendre dans nos cœurs, comme nous devrions en rire si nous pensions seulement à tout ce que nous avons réellement, parmi ce qu’il nous propose !

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La Sage, samedi 13 février 2016, 20.00 (version enregistrée)

Hérémence, dimanche 14 février 2016, 9.00