Un sauveur au conseil national ?

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Photo DR : parlament.ch

Homélie pour le 29e dimanche TO, année B

Isaïe 53,10-11 / Psaume 32 / Hébreux 4,14-16 / Marc 10,35-45

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Chers Amis,

Quand on vous dit « Dieu reviendra », qui attendez-vous ? Franchement ?

Mais oui, bien sûr, on est tous pareils ! On attend un grand Sauveur. Bon, pas le genre Superman avec une cape rouge ou bleue, non. Un vrai sauveur, un conseiller national ou un conseiller aux Etats, ou un président, un qui va nous régler tous nos problèmes. Un Sauveur.

Un grand personnage, comme ceux qu’on voit le long des routes sur nos affiches, ces derniers jours. Un homme au regard perçant – ou une femme, hein, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! – un Sauveur. Quelqu’un qui a un slogan du style « Je suis avec vous ! », un peu gaullien, du genre « Je vous ai compris » ou encore à la mode Kennedy : « Ich bin ein Berliner ! » Nous attendons un Sauveur. Un qui est avec nous.

Un qui va régler tous nos malheurs. Les primes d’assurance maladie, la formule du conseil fédéral, l’arrivée des réfugiés, un qui va changer nos pneus d’hiver avant l’arrivée de la neige. Nous attendons un Sauveur !

Et le psaume le disait très bien, tout à l’heure : c’est notre VIE que nous attendons du Seigneur.

A l’époque du prophète Isaïe, c’est-à-dire six à sept siècles avant Jésus, on attendait déjà ce type de Messie, de Sauveur.

C’est dire si le Prophète a fait scandale avec le texte qu’on a entendu dans la première lecture. Parce qu’Isaïe, en terme de Sauveur, parle de serviteur. Et ça, ça décoiffe déjà un peu. Mais il parle de serviteur SOUFFRANT, et ça, ça décoiffe encore plus !

Quoi ? Le Sauveur doit souffrir ? C’est une blague! Il doit se charger des péchés des Hommes ? Non mais vous rigolez ! Il doit mourir comme un esclave ? Mais vous n’êtes pas sérieux !

C’est pas ça, un Sauveur !

C’est intéressant de relire l’ensemble de ce qu’on appelle les chants du Serviteur, dans le Prophète Isaïe – vous pourrez aller regarder dans vos Bibles, c’est aux chapitres 42, 49, 50 et 52 d’Isaïe. Quatre chants du Serviteur… et on est frappés par la ressemblance de ce serviteur avec Jésus, qui va pourtant venir six siècles plus tard.

C’est dire si Isaïe était vraiment un prophète, parlant au nom de Dieu, annonçant ce qui allait se produire.

La figure du Messie, qui était attendue par tout Israël à l’époque, c’était celle d’un grand Sauveur ! Eh bien non, pour Isaïe, c’est la figure d’un serviteur, humble et fidèle. Et même souffrant. Jusqu’à mourir pour les autres sur une croix. Scandale absolu.

Et la question des disciples, dans l’Evangile que nous venons de réentendre, elle est pétrie de tout cela.

Eux, ils attendent un grand Sauveur, un Superman, un grand Seigneur.

Et du coup Jacques et Jean sont persuadés qu’ils auront les premières places à sa gauche et à sa droite, vous l’avez entendu, puisqu’ils sont ses compagnons privilégiés de Jésus. Et Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ! »

Exactement comme certains imaginent qu’être conseiller national ou conseiller aux Etats, c’est siéger à gauche ou à droite du pouvoir ! Et j’entends Jésus leur dire, à tous ceux qui sont sur les affiches, ce dimanche : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ! »

On attend un grand Sauveur, on attend des conseillers nationaux, des conseillers aux Etats… Mais ce sont des serviteurs qu’il nous faut élire ce week-end. Ce sont des serviteurs, les vrais sauveurs. Humbles, au service de tous. Et qui, comme Jésus, vont être crucifiés, par leur agenda d’abord, par les médias, souvent, ensuite. Ils vont souffrir, ce n’est pas simple, la politique, on le sait bien.

Et Jésus leur pose la question qui tue, aussi à nos élus d’aujourd’hui d’ailleurs. La question qui tue au sens propre comme au sens figuré. Il leur dit : « La coupe à laquelle je vais boire, pouvez-vous y boire, vous aussi ? » Cette coupe, c’est le sang du sacrifice, bien sûr.

Et il leur dit aussi : « Le baptême dans lequel je vais être plongé pouvez-vous m’y suivre ? » Sous-entendu : donner sa vie pour les autres.

C’est ça, un politicien, un vrai du moins. Celui qui est au service de tous, qui va jusqu’à donner sa vie pour les gens qui l’élisent.

Et les disciples de Jésus n’ont rien compris – comme certains de nos politiciens aussi, d’ailleurs, il faut le dire. Ils n’ont rien compris. Ils sont persuadés qu’ils vont avoir une place de gloire. Et ils disent : « Mais bien sûr, on peut te suivre ! Ça va être fantastique ! »

Ils ont entendu coupe de gloire, banquet du Roi, ils ont entendu baptême glorieux, célébrité devant les nations, toute puissance, conseil fédéral… Ils attendent un poste qui les amènera sous les projecteurs de la RTS. Ils n’ont rien compris.

Et Jésus le sait bien. Et on connaît la suite.

Mais NOUS, alors, chers Amis ? Est-ce que nous avons compris, depuis ? Ou est-ce que nous continuons à attendre un sauveur qui règle tous nos problèmes, que ce soit en religion ou en politique ?

Si nous attendons toujours ce type de sauveur, c’est que nous n’avons pas compris grand chose au message de Jésus.

Il nous faut le réécouter. L’interpréter avec la deuxième lecture d’aujourd’hui, la lettre aux Hébreux qui nous disait : « C’est Jésus, le Grand-Prêtre. Il n’y en a pas d’autre. »

Qui nous disait pourtant : « Tenez-vous fermes ! Parce que ça va continuer ! C’est pas fini ! Il va revenir ! »

Et qui nous disait aussi que le Grand-Prêtre – Jésus – n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses.

C’est SPLENDIDE, cette phrase ! On la laisse passer trop facilement ! Notre Dieu a été jusqu’à partager nos faiblesses. Il est venu parmi nous vivre nos souffrances.

Il ne s’est pas contenté de siéger à Berne, en regardant de loin le canton qui l’avait élu… Il en a partagé les moindres moments. Il est venu parmi nous, notre Dieu.

AUCUNE autre religion, chers Amis, n’a cette richesse. Elles croient toutes en un Dieu distant, vaguement tyrannique, juge, incapable de comprendre les êtres humains parce qu’il est tellement loin d’eux. Comme un mauvais conseiller national…

Mais le Dieu des Chrétiens, c’est autre chose. Il partage notre souffrance, nos faiblesses. Il est venu jusqu’à nous pour les prendre et les porter vers Dieu.

C’est ce type de sauveur-là qu’il nous faut attendre, et qu’il nous faut élire ce week-end.

Il est illusoire d’attendre de nos politiciens qu’ils soient des supermans à la sauce bernoise. C’est pas ça, être au service des autres !

Il nous faut simplement comprendre que servir, servir Dieu comme servir le peuple, c’est s’abaisser, être humble. Et souffrir.

Et comprendre que Dieu est là, avec nous, au cœur de nos détresses. Qu’il est là pour vivre avec nous, qu’il est là pour cheminer avec nous. Ce n’est pas nous qui devons nous demander si nous pouvons avoir les places à gauche et à droite de Dieu. C’est lui qui est venu prendre sa place au milieu de nous, pour nous faire vivre son Amour.

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Champex-Lac, samedi 17 octobre, 17,00

Hérémence, dimanche 18 octobre 2015, 10.30 (version enregistrée)

Euseigne, dimanche 18 octobre 2015, 18.00

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  1. Georges QUELLET

    Ta remarquable homélie, cher Vincent, analyse effectivement et judicieusement des thèmes fondamentaux « dans tout esoace et en tous temps », concernant le collectif et l’individuel.
    – En tenir compte personnellement, authentifie sa vie, même et surtout dans les souffrances et détresses.
    – Ne PAS en tenir compte peut expliquer les malheurs personnels et collectifs dans notre monde actuel. Amitiés. Georges.

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