Véritable adoration

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Homélie pour la solennité de la FÊTE DIEU

Exode 24,3-8 / Psaume 115(116B) / Hébreux 9,11-15 / Marc 14,12-16.22-26

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT : 

 

Chers Amis,

 

Des fiancés m’ont dit un jour :

–       Mais toi, Vincent, tu vas TOUS LES DIMANCHES à la messe ???

Ah… je leur ai répondu que non seulement j’y allais tous les dimanches mais en général je célèbre presque tous les jours avec les personnes que Dieu me confie – c’est-à-dire vous.

Ils m’ont regardé comme un extra-terrestre et le fiancé s’est exclamé :

–       Mais… t’en as pas marre ?

Alors j’ai ri, bien sûr… Mais c’est vrai qu’on peut légitimement nous interroger sur la fréquence de ce repas si particulier. Tous les jours ? Tous les dimanches ? Aux grandes fêtes seulement ? A Pâques ou à Noël seulement ?

J’ai regardé mes fiancés et je leur ai dit :

–       Et vous, vous vous dites « Je t’aime » toutes les semaines ? Vous en avez pas marre ?

Alors on a ri ensemble évidemment… et ils ont mieux compris.

Au-delà de cette blague, la comparaison est intéressante, je crois. Sommes-nous encore de jeunes mariés vis-à-vis de Jésus ? Avons-nous encore faim de ce pain de vie, de ce sang de l’Alliance, au point de le souhaiter le plus souvent possible ?

Ou bien disons-nous comme ça, par habitude, amen quand on le reçoit, comme un tic de langage.

Hier je suis allé porter la communion à l’hôpital, comme je le fais plusieurs fois par semaine, et tout à l’heure j’irais chez des personnes âgées de la communauté qui ne peuvent plus se déplacer jusqu’ici, comme je le fais chaque dimanche après-midi.

Ces personnes me reçoivent avec une joie extraordinaire. Il faut voir leurs yeux s’illuminer quand j’arrive. Mais je ne suis pas dupe ! Ce n’est pas moi qui fais s’illuminer leurs yeux, ce n’est pas moi que ces personnes reçoivent avec le cœur tout brûlant, c’est leur Seigneur, c’est Jésus, c’est cet Amoureux qui revient vers eux.

Et chaque fois cela vient m’interroger, hier encore : est-ce que, moi, je reçois Jésus avec autant de ferveur ?

Est-ce que nous venons à l’Eucharistie chaque week-end – ou chaque jour – par habitude, ou est-ce que nous en faisons le sommet de notre journée ou le sommet de notre semaine ?

C’est aussi cette question que doit nous poser la fête du Corps et du Sang du Christ, du Saint Sacrement.

Avons-nous encore le regard d’un jeune amoureux pour cette petite hostie que nous prendrons tout à l’heure, ou pour la coupe d’alliance ?

Ou est-ce qu’on reçoit Jésus par habitude ?

[mimant celui qui prend au vol l’hostie] – Le Corps du Christ ! – Merci !

…et puis on s’en va.

Bon, maintenant, avec le Coronavirus, de fait, on dit « Le Corps du Christ – Amen ! » tous ensemble avant même que je m’avance vers chacun. On n’a plus ce problème.

Mais avant, ça m’énervait, vous ne pouvez pas savoir, quand quelqu’un me disait « MERCI » au lieu de dire « Amen ! ».

Pourtant, c’est gentil « merci » ! Mais c’est extraordinairement pauvre par rapport à ce que signifie le mot « amen »…

Ou ce qui arrive encore aujourd’hui et qui est tout aussi irrespectueux : quand quelqu’un prend l’hostie au vol.

On REÇOIT le Seigneur, on ne l’attrape pas au vol ! On ne se l’approprie pas, on le reçoit comme un cadeau. On tend les mains pour en faire un berceau ou un trône pour notre Dieu, comme le disaient les pères de l’Eglise.

Et on y croit en disant « Amen ! », c’est beaucoup plus qu’un simple « merci » qui ne dirait rien de notre foi.

Vous imaginez les amoureux : l’un donne un baiser en disant « Je t’aime » et l’autre le prend au vol avant de s’en aller en disant « Merci !»… Ce serait terrible !

A chaque Eucharistie, Jésus revient nous dire « Je t’aime ! ». Quand, au moment de communier, vous entendrez l’expression « Le Corps du Christ », c’est « Je t’aime » que vous pouvez entendre en filigrane, derrière. « Je t’aime… Je me donne à toi parce que je t’aime ! C’est mon corps que je te donne parce que je t’aime ! » La comparaison avec les amoureux va jusque-là, eux qui se donnent leur corps parce qu’ils s’aiment !

Du coup le « Amen ! » que vous répondez, un mot hébreu qui veut dire, vous le savez bien : « C’est vrai ! J’y crois », ce mot « amen » c’est comme si vous lui disiez « J’y crois Seigneur, à ton Amour ! Je sais que tu m’aimes ! »

Alors bien sûr qu’on a appris tout cela, on a appris à faire le geste avec les mains, à dire « Amen », mais vous savez… il ne suffit pas de refaire des gestes ancestraux comme ça, sans y penser, sans leur donner de l’esprit, du sens.

Dans la première lecture, le peuple refaisait tout comme il faut, les sacrifices, les gestes des ancêtres, tout… ils faisaient tout comme il faut mais sans âme, sans esprit.

C’était bien le problème de l’Ancienne Alliance…

Y mettre de l’Esprit, c’est passer de l’Ancien au Nouveau Testament, c’est se souvenir que lorsque le prêtre élève la coupe du salut, comme disait le psaume, il rappelle que Jésus s’est donné pour chacune et chacun de vous, pas seulement pour les gens d’il y a deux mille ans. Qu’il est mort pour nous sauver, nous, aujourd’hui, comme le disait notre deuxième lecture, la lettre aux Hébreux. Il l’a fait une fois pour toutes et donc pour tous ceux qui allaient le suivre à travers les âges.

Y mettre de l’Esprit, c’est comprendre que, lorsque nous allons communier et qu’on nous dit « le Corps du Christ », c’est l’Evangile que nous avons entendu qui se réalise à nouveau. C’est Jésus lui-même qui vient nous dire : « Ceci est mon Corps, que je donne par amour pour toi ».

Je connais d’ailleurs des personnes qui, parfois, plutôt que de répondre Amen un peu machinalement, répondent « J’y crois ! ».

Et c’est pas si bête ! Ça, c’est un acte de foi ! « Le Corps du Christ ! – J’y crois ! »

J’avais même un ami du monde du spectacle qui, lorsque je lui disais « Le Corps du Christ » me répondait toujours « J’espère bien ! ». C’est pas si bête non plus !

En disant « j’espère bien », il me disait à la fois toute sa foi et son espérance. Sa foi au corps du Christ, sa foi aux gestes que j’ai effectués en tant que prêtre, aux paroles du Christ que j’ai redites. « J’espère bien que c’est le Corps du Christ ! »

Parce que sinon, comme le disait Saint Paul, ma foi est vaine !

Et entre amoureux c’est la même chose. Il y a un acte de foi à poser. Ceux parmi vous qui vivent en couple le savent bien : il y a un acte de foi à poser en l’amour de l’autre !

Vous imaginez deux secondes ce que ça donnerait si l’un disait « Je t’aime » et que l’autre répondait « T’es sûr ? »…

–       Je t’aime !

–       J’espère bien ! J’y crois, à ton Amour !

Mais dans ce petit dialogue il manque encore quelque chose…

–       Je t’aime.

–       J’espère bien… Moi aussi je t’aime !

Et ce « moi aussi je t’aime », dans la communion, c’est dans le temps d’adoration qui suit chaque communion.

L’adoration ce n’est pas seulement poser l’hostie dans un ostensoir ! L’adoration c’est à chaque fois que nous avons communié que nous adorons le Christ qui est en nous ! Il y a des adorations intérieures tout aussi fortes – et même davantage ! – que des l’adoration extérieure. Je dis « même davantage » parce que là, il est EN NOUS ! C’est beaucoup plus fort d’adorer le Christ en nous !

Il ne vous viendrait pas à l’idée de revenir à votre place après la communion comme ça, machinalement, en regardant la montre pour vérifier si le rôti qui est au four ne va pas trop cuire… Non !

Quand on revient à notre place après la communion, on prend un temps pour accueillir le Seigneur en nous et pour lui dire : « Moi aussi, je t’aime ! »

C’est ça, l’adoration.

Adoration extérieure bien sûr, prostrés devant l’hostie comme nous pouvons le faire parfois, mais aussi et surtout adoration intérieure. On contemple le Christ en nous, ce mystère extraordinaire que nous portons dans le vase d’argile qu’est notre corps.

Le Christ est venu jusqu’au fond de nous et nous prenons quelques instants de silence pour l’adorer dans notre cœur. C’est ainsi que nous lui répondons : « Moi aussi, je t’aime ! »

Voilà ce qu’à chaque Eucharistie nous devrions nous remémorer, pour que ces gestes, ces mots, ces actions prennent tout leur sens ! Pour que ce Saint Sacrement retrouve toute l’importance qu’il doit avoir, toute la dignité qu’il possède, toute l’adoration véritable qui lui est due.

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Bex, dimanche 6 juin 2021, 10.00

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