Zachée et Monsieur Jimenez

Classé dans : Bible, Homélies, Temps ordinaire | 4
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Photo DR : europeanceo.com

Homélie pour le 31e dimanche TO, année C

Sagesse 11,23 – 12,2 / Psaume 144 / 2 Thessaloniciens 1,11 – 2,2 / Luc 19, 1-10

Chers Amis,

Il y a des textes bibliques que l’on connaît trop bien. L’évangile d’aujourd’hui par exemple. Dès qu’on entend « il y avait un homme du nom de Zachée », notre cerveau se branche sur pilote automatique et on commence à somnoler tranquillement.

Pour rester éveillés, essayons de transposer l’histoire de Zachée aujourd’hui. Je vous demande un petit effort d’imagination. Je sais, au début de l’homélie, alors que vous espériez profiter de mes propos pour faire une micro-sieste, c’est dur. Mais essayons.

Nous ne sommes pas à Jéricho mais à Bâle. Il y a un monde fou. Pensez donc ! Un homme, qui dit être le Messie, a annoncé sa venue ce jour-là. Des millions de fidèles de par le monde sont accourus, le Saint Père est là, des évêques, des prêtres par milliers, tous les grands noms de la chrétienté sont présents.

[A Chermignon:] Même la fanfare de Chermignon, c’est dire !

[A Lens:] Même le choeur d’hommes de Lens, c’est dire !

[A Montana-Village:] Même le choeur de Montana-Village, c’est dire !

On trouve une brochette des personnes probablement les plus pieuses et les plus pratiquantes du monde à Bâle ce jour-là. Dans quelques mois. Le 25 février 2014 pour être précis.

Et puis il y a un petit homme qui est là, au milieu de la foule, un peu par hasard. Il s’appelle Joseph Jimenez.

C’est l’un des hommes les plus riches de Suisse, le président de Novartis. Et il est venu présider, ce 25 février 2014, vous pourrez vérifier la date, l’assemblée générale de sa fructueuse entreprise pharmaceutique. Joseph Jimenez qui, au passage, gagne 266 fois plus que le plus modeste de ses employés.

On est assez loin de l’initiative 1:12, là… 266 fois plus, ce n’est plus discutable, c’est ce qui s’appelle de l’indécence pure et simple. Et il va devoir se défendre devant ses actionnaires. Pas simple.

Mais bon, Mr Jimenez, ce jour-là, a un peu de temps de devant lui, et il a entendu qu’on annonçait l’arrivée du Messie. Ça ne coûte rien d’aller voir. D’autant que ce Jésus qui prône la pauvreté intrigue Mr Jimenez.

Comme le CEO de Novartis n’est pas de très grande taille, il grimpe sur un lampadaire – ce sont les arbres de nos villes – pour mieux voir. Et Jésus arrive. Tout le monde cherche à le toucher, à le voir. Il passe au milieu de la foule, saluant brièvement autant le St Père que la petite fille, là, au deuxième rang.

Et puis Jésus voit Joseph Jimenez. Il l’interpelle.

– Joseph ! (c’est un prénom que Jésus aime bien, en plus, allez savoir pourquoi…) Joseph, mon ami ! Qu’est-ce que tu fais là? Descends de ton lampadaire ! Ce soir on va manger ensemble.

Les caméras du monde entier fixent Mr Jimenez qui vit un grand moment de solitude sur son lampadaire, et tout le monde se demande quelle va être sa réponse. Il bredouille :

– Euh… eh bien c’est-à-dire que… ça tombe mal, voyez, ce soir j’ai un grand buffet qui clôturera l’assemblée générale de cet après-midi, il y aura beaucoup de monde, c’est pas tellement votre style, comment dire…

– Et alors ? Y aura sûrement beaucoup de monde à ce buffet ! Une personne de plus ou de moins, ça passera inaperçu ! Tu n’as pas une petite place pour moi ? Juste une petite place…

Et Joseph Jimenez accepte, et repart avec Jésus dans sa propre limousine.

Chers Amis… vous imaginez un seul instant la tête des évêques ?? Des fidèles ?? Même des simples prêtres comme moi ??

Ce gars est riche à amasser des millions, moi j’essaie – j’essaie ! – de pratiquer la charité, lui il a des sous plein ses comptes en banque, peut-être pas toujours très nets d’ailleurs. Ah ben oui, on sait bien qu’on recherche et qu’on fabrique les médicaments qui sont les plus rentables et pas nécessairement ceux des maladies orphelines qui ne serviraient qu’à quelques personnes. C’est le jeu. C’est cruel mais c’est le jeu.

Donc la fortune de cet homme est peut-être discutable, au-delà de l’hallucinant ratio de 1 pour 266 face à son plus modeste employé, et c’est LUI que Jésus invite ? Mais on va où, là ?

Vous imaginez le pape François qui reste en rade alors que Joseph Jimenez est invité par Jésus ?

Et ce n’est pas fini…

Parce que Joseph Jimenez, en arrivant avec Jésus à l’assemblée générale des actionnaires de Novartis ce jour-là, va annoncer qu’il a vendu la moitié de ses biens à des oeuvres de charité, et qu’il vient de s’engager à rendre, à tous ses employés, quatre fois ce qu’il a gagné en trop par le passé.

C’est cela, l’histoire de Zachée, chers Amis. Jésus s’invite chez un homme très riche aux yeux et à la barbe de tous les pratiquants du coin, et le riche se convertit. C’est cela, l’histoire que Jésus nous raconte et que nous écoutons distraitement parce que nous la connaissons par coeur.

Je l’ai juste transposée à notre époque.

Et Jésus ce soir-là, à Bâle, prendra le micro et dira devant le parterre de personnalités venues du monde entier : (je vous cite les mots de l’évangile) « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cet homme et pour sa maison. En effet le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

Le salut est pour tous les hommes, chers Amis.

C’est aussi ce que nous disait le livre de la Sagesse, notre première lecture : « Tu as pitié de tous les hommes, Seigneur, tu fermes les yeux sur leurs péchés pour qu’ils se convertissent ! »

Tout particulièrement pour les plus improbables – même si nous avons de la peine à l’entendre.

Quel que soit le résultat de nos prochaines votations, j’ai peine à imaginer que Mr Jimenez annonce en février que Novartis va rendre le quadruple à celles et ceux qu’elle aurait lésé. Mais pourtant, en simple lecteur de la Bible, ma foi me dit que si Jésus revenait ce jour-là à Bâle, c’est peut-être bien ce qui se passerait…

C’est aussi ce à quoi appelait l’Apôtre Paul, dans la deuxième lecture, sa seconde lettre aux Thessaloniciens. Paul disait « Je prie que par sa puissance, Dieu vous donne d’accomplir tout le bien possible »

Un prêtre ne fait pas de politique, vous le savez bien, je n’ai donc aucune consigne de vote à vous donner et c’est très bien comme ça.

Reste que je demeure un citoyen et que j’ai le droit, à ce titre, de m’indigner devant certaines choses, et de le dire. Et qu’en tant que Chrétien, tout comme vous, j’ai non seulement le droit mais le devoir de m’indigner de certains choses.

Moi ce qui m’intéresse, ce n’est pas que l’initiative 1:12 passe ou ne passe pas, qu’elle soit négociée à 1:13 ou à 1:11, qu’on en discute les finesses, peu importe.

Moi, comme serviteur de l’Evangile, ce qui m’intéresse c’est qu’un homme qui gagne 266 fois plus que son plus pauvre employé soit un jour touché par la grâce d’un certain Jésus, pour que ce soit son coeur, et non le vote des citoyens, qui l’amène à réparer l’injustice, et à se convertir.

Et ce que je vous demande, Frères et Soeurs, ce n’est pas de voter ci ou ça, mais de prier pour que, à Bâle comme dans notre communauté, ceux qui gagnent le plus soient toujours plus solidaires avec ceux qui ont moins, comme Zachée le fut, un beau jour, à Jéricho, après être grimpé sur un arbre…

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Chermignon d’en Haut, 2 novembre 2013, 18.30

Lens, 3 novembre 2013, 9.30

Montana-Village, 3 novembre 2013, 11.00

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4 Responses

  1. Myosotis

    Ah! vous êtes extraordinaire avec votre imagination débordante…et actualisée au premier plan, c’est cela qui touche plein mille notre coeur car avec vous on n’est obligés de se sentir concernés et soit dit en passant, chez vous les gens ne doivent pas s’endormir pendant vos homélies. Et grâce aux réseaux sociaux tout le monde en profite. Alors Merci pour ce partage bénéfique, pour votre sens de l’humour et pour votre joie à transmettre l’Evangile.
    Je peux dire qu’à chaque semaine, je me réjouis de vous lire…!

    • Vincent Lafargue

      Oh merci beaucoup pour ce message, ça me touche. Plusieurs personnes m’ont dit à la sortie de la messe qu’on ne s’endormait jamais avec moi, cela vous rejoint. Mais c’est l’esprit Saint qui touche les coeurs, moi je ne suis qu’un canal que j’essaie de garder le moins bouché possible 🙂

  2. Girod Jeannine

    J’ai été très impressionnée par votre manière de prêcher;, votre homélie était magnifique et remet bien l’église au milieu du village, merci de tout coeur de nous « réveiller »
    Pourriez-vous me faire parvenir sur mon adresse e-mail, une copie de cette prédication.
    (dimanche 17 novembre à Bex)
    D’avance merci et cordiales salutations.
    Jeannine Girod – Bex

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